Lili Dujourie a su abattre les frontières entre les genres et travailler avec des techniques aussi différentes que la sculpture, la photographie, le film, l’installation, le collage, le dessin. Sa réflexion porte sur les thèmes de la vanité, de la perte, de l’inconstance du temps, de l’absence, de l’ennui. Ses premières œuvres des années 1960, très épurées et rigoureuses, la positionnent dans le cadre de l’art minimal et de l’arte povera. En 1972, elle réalise Impérialisme américain dont existent plusieurs versions. Il s’agit d’une plaque d’acier dont l’artiste a peint la face visible, et qu’elle a adossée contre un mur monochrome rouge. En se rapprochant, on remarque que la partie du mur contre lequel la toile est appuyée n’a pas été peinte. Avec cette œuvre, L. Dujourie dénonce l’hégémonie politique et esthétique américaine des années 1970, c’est-à-dire le minimalisme, à l’égard duquel elle a toujours marqué une distance critique et dont elle signale la lecture incomplète, arguant que nous n’en apercevons qu’une vue frontale et superficielle. Durant les années 1970, avec une série de vidéos en noir et blanc non sonorisées montrant son corps nu en mouvement, elle conteste le culte de femme objet et de l’esthétique féminine. Les décennies suivantes sont marquées par des installations majestueuses et baroques avec du velours, de la soie, des miroirs brisés, de riches cadres dorés, des marbres qui utilisent souvent le trompe-l’œil. Elle recherche la poésie émanant des mouvements des matériaux et de leur réaction à l’incidence de la lumière. Dans ses œuvres se condensent des effets théâtraux, des mises en scène. Tels des dessins esquissés avec agilité et rapidité, elle a plus récemment réalisé des portraits sous formes de sculptures murales en fil de fer (Joséphine, 2000). Ses derniers travaux, encore plus sobres, sont des pièces concaves et convexes en terre cuite, d’apparence osseuse ou végétale, comme des fragments, posées sur des étagères, des socles ou des tables métalliques (Sonates, 2007). Avec une grande économie de moyens, L. Dujourie provoque toujours une poésie empreinte d’abstraction.
Annalisa RIMMAUDO
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions