Par l’intermédiaire de deux revues littéraires qu’elle dirige,
El Escarabajo de Oro (« le scarabée d’or ») et
El Ornitorrinco (« l’ornithorynque »), Liliana Heker participe aux différentes formes du mouvement culturel des années 1970-1980. Elle prend des positions fortes dans les débats publics, comme dans celui qui l’oppose à Julio Cortázar au sujet des écrivains et de l’exil. Le recueil d’essais
Las hermanas de Shakespeare (« les sœurs de Shakespeare », 1999) rassemble ses réflexions concernant la position politique de l’intellectuel et son engagement vis-à-vis de la réalité. Dans l’essai
La literatura como poder (« la littérature en tant que pouvoir »), L. Heker réfléchit au sens de l’engagement et à la fonction de l’art, à partir de
Qu’est-ce que la littérature ? de Jean-Paul Sartre. Elle soutient le modèle de l’intellectuel qui prend part à la société, un modèle optimiste, fondé sur l’idée que la culture a la possibilité et l’obligation de modifier l’orientation sociale et politique mise à mal par le coup d’État de 1966. Dans ce cadre culturel fortement politisé, où domine l’idée d’une relation presque « naturelle » entre politique et littérature et qui reflète l’impact de la révolution cubaine, l’écrivaine s’interroge sur le militantisme et remet en question, d’un point de vue de gauche, le phénomène péroniste. Dans son œuvre de fiction, deux recueils de nouvelles,
Los que vieron la zarza (« ceux qui ont vu les ronces », 1966) et
Las peras del mal (« les poires du mal », 1982), appréhendent la réalité quotidienne. Alors que, dans le premier, les personnages ne sortent pas du cadre réaliste, dans le second, l’incongruité et la démence apparaissent et désordonnent la réalité en remettant en cause les limites du possible. L’anthologie
Los bordes de lo real (« les limites du réel », 1991) réunit toutes les nouvelles de l’écrivaine. En 1996, elle publie le roman
El fin de la historia (« la fin de l’histoire »), qui raconte l’horreur de la dictature à partir d’une histoire d’amour entre une militante emprisonnée et un tortionnaire. C’est une œuvre qui a eu une grande résonance dans le champ culturel d’après la dictature en raison de son regard controversé sur ce passé.
Patricia ROTGER