Après des études d’art à l’Escuela nacional de bellas artes de Buenos Aires puis à l’Universidad iberoamericana de Mexico, Liliana Porter s’installe à New York en 1964. En 1965, elle fonde, avec l’Uruguayen Luis Camnitzer et le Vénézuélien José Guillermo Castillo, le New York Graphic Workshop (« l’atelier de graphisme de New York »), qui prône un usage plus conceptuel des techniques d’impression. Leur collaboration s’achève en 1970, après six années de travail. Dès les années 1960, certaines pièces de l’artiste se réfèrent aux œuvres du peintre surréaliste belge René Magritte. Dans Magritte’s 16th of September I (1975), l’artiste s’approprie l’iconographie de l’homme au chapeau melon – figure récurrente du peintre –, mais la figure masculine est remplacée par une figure féminine aux cheveux courts ébouriffés et sans chapeau. Si l’artiste fait appel à des techniques traditionnelles pour leur possibilités imitatives, celles-ci s’inscrivent également dans des explorations plus larges à la dimension ludique évidente. Ainsi, depuis les années 1990, elle a souvent recours à des figurines qu’elle combine avec des dessins ou des peintures pour créer des mises en scène minimales. Les installations de la série Forced Labor montrent de petits personnages confrontés à des tâches énormes, comme ce petit « bonhomme » qui semble avoir cassé le mur de la galerie avec son marteau (Man With Hammer, 2006). Face à l’immensité de leurs désirs apparents et aux difficultés qu’ils affrontent, malgré leur évidente artificialité, ces petits êtres inspirent souvent de l’empathie. La réaction émotionnelle spontanée peut alors introduire une réflexion intellectuelle sur la nature de la perception elle-même. Les œuvres de la sculptrice recèlent donc une complexité et un potentiel critique, qui attendent qu’un spectateur actif les perce à jour sous leur surface plaisante. Par exemple, pour le projet Internet Rehearsal (2008), commande de la Dia Art Foundation de Beacon, elle crée une chorale de petits jouets poussins qui chantent tour à tour la chanson La donna é mobile. D’une simplicité apparente, l’œuvre contient en réalité différentes strates de lecture, puisque ce chant sur l’inconstance des femmes est issu de la fin tragique du Rigoletto de Giuseppe Verdi, drame où les hommes représentent les réelles forces motrices du meurtre et de la tromperie. Artiste reconnue, L. Porter a obtenu en 1980 le prestigieux Guggenheim Fellowship.
Klaus SPEIDEL
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions