Née à Metz sous domination allemande, cette peintre expressionniste n’obtiendra jamais la nationalité française malgré tous ses efforts. Lou Albert-Lasard vit dans un milieu aisé, étudie l’art avec, notamment, le peintre Henri Beecke. En totale opposition avec sa famille, elle se marie en 1909 avec un chimiste de 30 ans son aîné, pensant ainsi acquérir une plus grande indépendance. En 1912, mère d’une petite fille, Ingo, qu’elle n’élève pas, séparée de son mari, elle suit les cours de Fernand Léger à Paris. De 1914 à 1916, elle vit avec le poète Rainer Maria Rilke à Munich et à Vienne. Pacifiste déclarée, elle fréquente alors Romain Rolland, Stefan Zweig, Paul Klee, Kokoschka. De cette période datent ses portraits de R. M. Rilke, de Rudolf Kassner, d’Hélène von Nostitz (1878-1944), entre autres. Après sa rupture avec le poète, elle vit en Suisse, à Ascona, près d’Arthur Segal, puis s’installe à Berlin où elle est proche du groupe Novembre. En 1917, elle expose à plusieurs reprises à Munich et à Zurich. C’est avec une liberté rare à l’époque pour une femme qu’elle réalise des gravures et dessine avec énergie les garçonnes, les prostituées. En 1925, elle publie à Postdam un recueil de lithographies consacrées à Montmartre, mais c’est seulement en 1926-1927 qu’elle expose à Paris, ville où elle s’installe en 1928 avec Ingo. Ensemble, elles entreprennent une série de voyages en Afrique du Nord, au Tibet, en Inde, en Chine, au Cambodge, qu’une grande exposition clôture en 1939. Illustratrice en 1934 du recueil Paraboles de Paul Valéry, elle traduit en 1937 en français un ensemble de poèmes de R. M. Rilke. En 1940, traitée de « ressortissante allemande », elle est internée avec sa fille dans le camp de Gurs, dans les Pyrénées-Atlantiques, avec la crainte d’être déportée en Allemagne en tant que Juive. Sous la signature de Malbull, elle dessine et documente la condition des prisonnières. En 1941, mère et fille retournent à Paris, malgré les risques de délation, puis se réfugient en Haute-Loire. Après la guerre, même si L. Albert-Lasard expose alors régulièrement, on évoque plus souvent sa passion pour R. M. Rilke que son travail d’artiste.
Catherine GONNARD
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions