L’histoire de l’art a longtemps relégué Lucia Moholy dans l’ombre de son époux, László Moholy-Nagy : les déménagements du Bauhaus, la guerre et le transfert d’une partie des archives de l’école aux États-Unis ont occulté son œuvre, souvent attribuée à d’autres. Issue d’une famille d’intellectuels socialistes, elle est encouragée, jeune, à étudier la philosophie, la philologie et l’histoire de l’art à l’université de Prague. Une fois diplômée, elle travaille comme secrétaire de rédaction pour différentes maisons d’édition, avant de suivre son mari à Weimar, où il enseigne au Bauhaus. Ses connaissances seront largement exploitées dans les publications de l’institut, sans que l’artiste soit officiellement embauchée. Elle convertit L. Moholy-Nagy à la photographie, puis ils réalisent ensemble les premiers photogrammes. Elle prend des cours, notamment auprès d’Otto Eckner. Lors du déménagement du Bauhaus à Dessau, elle documente le nouveau bâtiment par de nombreuses photos faites avec un appareil de format 18 x 14. C’est ensuite avec un Leica qu’elle réalise des portraits en plein cadre, d’une grande objectivité. À Berlin, elle monte un studio photographique et travaille avec l’agence d’images Mauritius. Ses œuvres figurent à l’exposition Neue Wege der Photographie à Iéna en 1928, puis à Film und Foto à Stuttgart en 1929, année au cours de laquelle elle se sépare de son époux et devient professeure de photographie. Elle vit avec le député communiste Theodor Neubauer, quand celui-ci est arrêté en août 1933 et envoyé en camp de concentration. L’artiste s’enfuit à Paris, forcée de laisser derrière elle clichés et archives, dont 560 plaques de verre. Elle s’installe ensuite à Londres, gagnant sa vie comme photographe portraitiste, et publie en 1939 A Hundred Years of Photography. En 1940, elle prend la nationalité anglaise et commence à réaliser des microfilms destinés à la documentation scientifique de l’université de Cambridge. Après la guerre, elle abandonne la photographie pour l’enseignement. Elle est notamment experte auprès de l’Unesco dans le domaine de la photographie documentaire et scientifique au Moyen-Orient. En 1959, établie à Zurich, elle anime de nombreuses conférences sur la modernité et le Bauhaus. En 1969, elle écrit Marginalien zu Moholy-Nagy, qui paraît en 1971.
Catherine GONNARD
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions