Fille du secrétaire d’État Claude de L’Aubespine et de Jeanne Bochetel, Madeleine de L’Aubespine épousa Nicolas de Neufville, seigneur de Villeroy, secrétaire d’État sous les règnes de Charles IX et d’Henri III. Dame d’honneur de
Catherine de Médicis*, elle reçut les beaux esprits de son temps en son hôtel près du Louvre et dans sa demeure de Conflans-l’Archevêque aux portes de Paris. Elle fut célébrée pour sa beauté et son érudition par nombre de ses contemporains, dont Ronsard qui fit l’éloge de ses dons littéraires dans un sonnet, Rémy Belleau qui lui dédia une de ses « pierres précieuses », et surtout Philippe Desportes qui lui consacra plusieurs poèmes d’amour sous les noms de Callianthe, Cléonice et Rosette. Outre une traduction en vers de la seconde épître des
Héroïdes d’Ovide, de plusieurs chants de l’
Orlando furioso de L’Arioste et diverses pièces poétiques restées à l’état de manuscrit jusqu’au début du
XXe siècle, on lui attribue aujourd’hui un recueil de discours moraux, le
Cabinet des saines affections, qui connut une belle diffusion imprimée au temps des guerres civiles : cinq éditions entre 1591 et 1600 et deux traductions en italien et en allemand. L’édition de 1595 (à la suite de trois impressions sans nom d’auteur) portait le nom de M
me de Rivery et comportait 12 nouveaux discours et diverses pièces poétiques qui furent publiées séparément en 1596, puis en 1597, sous le titre
L’Exercice de l’âme vertueuse, attribué à
Marie Le Gendre*. Les discours graves du
Cabinet des saines affections ne trahissent pas la moindre ressemblance avec les poésies attribuées à M. de L’Aubespine – sonnets et autres pièces lyriques dans la tradition pétrarquiste mais aussi chansons, villanelles, épigrammes et dialogues satiriques qui traitent, pour la plupart, de sujets légers. Ils s’inscrivent en effet dans le sillage des
Essais de Montaigne et de l’abondante floraison de réflexions morales des années 1580-1625 lors de la redécouverte de la philosophie stoïcienne. Chez M. de L’Aubespine, la réflexion philosophique prend la forme d’une méditation sur la condition humaine et conduit à l’élaboration d’une morale rationnelle visant à atteindre la véritable paix de l’âme par l’exercice des vertus.
Colette H. WINN