Reconnue et citée par plusieurs poètes majeurs de la littérature persane, Mahsati Ganjavi est l’une des rares poétesses de son temps que l’histoire littéraire ait retenues. Il reste aujourd’hui nombre de ses quatrains, genre dans lequel elle excellait et où elle célébrait les plaisirs de la vie. À l’instar de son contemporain Omar Khayyâm (v. 1047 - v. 1122) qu’elle a probablement connu – on peut d’ailleurs se demander lequel des deux a exercé une influence décisive sur l’autre –, elle a composé des quatrains philosophiques, les
robaïyat, questionnant le sens de la vie, l’être et le néant, mais fustigeant aussi, de cette manière oblique si typiquement persane, le dogmatisme religieux. La seule résolution de l’insoutenable néant de l’existence semble pour elle se situer dans un hédonisme amoureux qui se déploie dans la sensualité de ses vers, faisant d’elle une des meilleures représentantes de la tradition de l’amour sensuel en littérature persane. C’est sans doute pour cela qu’on lui a accolé l’image d’une femme aux mœurs condamnables ayant eu des relations avec, entre autres, certains hommes de pouvoir de son temps. Versée aussi bien en poésie qu’en musique, elle fréquenta d’abord la cour du prince Moghith al-Din à Gandja, où elle administrait les activités culturelles, puis fut admise comme poétesse officielle à la cour du sultan seldjoukide Sandjar, qui l’admirait pour ses talents poétiques. Après l’emprisonnement et la mort de ce dernier, elle finit sa vie dans une grande solitude. Sa tombe, réaménagée en 1980, peut être visitée à Gandja.
Leili ANVAR