Après avoir étudié l’architecture avec Paul Virilio, Mâkhi Xenakis s’oriente vers les décors et costumes de théâtre, travaillant notamment avec Claude Régy. Elle part vivre à New York jusqu’en 1989 ; elle y rencontre Louise Bourgeois*, à qui elle montre ses premiers dessins d’araignée et de petite bonne femme monstrueuse recroquevillée dans le blanc de la page. Vivement encouragée par celle-ci, l’artiste développe une série de dessins et gravures, de grands pastels aux couleurs violentes, rose chair et violet foncé, ou bien des fusains sur le thème des boucles, méandres et autres volutes de mollusques, dont les motifs s’inspirent autant de la chevelure que des tentacules de poulpes. Cette prolifération graphique aux subtils contrastes de noir velouté, de gris et de blanc caractérise sa première période artistique. Après avoir écrit un livre sur L. Bourgeois (L’Aveugle guidant l’aveugle, 1998), elle aborde la sculpture et crée d’étranges créatures faites de colonnes de plâtre moulées dans du carton ondulé et surmontées de petites têtes fétiches dans lesquelles elle plante des fils de fer ou des clous. Parallèlement à ce travail en volume, elle rédige de courts récits sur des souvenirs d’enfance. Laissez venir les fantômes (2001) évoque la figure paternelle, le compositeur Iannis Xenakis. Les Folles d’enfer de la Salpêtrière (2004) accompagnent la présentation d’un groupe sculpté de ses personnages, dans la chapelle de l’hôpital en 2005 ; elle y évoque les femmes, jeunes ou vieilles, enfermées dans cet hospice, et leur donne la parole. Ce travail d’exorcisme par l’écriture et la sculpture lui permet d’aborder le thème de la féminité et de la folie, en exprimant toutes les peurs de la petite fille, de la relation œdipienne, de la fécondité et de la sexualité, qu’elle traduit dans des sortes de tondos : des pastels encadrés de fourrure noire. Après les femmes-colonnes, dont la technique de moulage s’apparente aux sculptures de Picasso des années 1930, elle entreprend une série de créatures monstrueuses aux corps gonflés et aux seins généreux, qui évoquent les idoles préhistoriques. Assemblées en groupes de deux ou trois, ces poupées roses, charnelles et grotesques avec leurs cheveux hirsutes, sont présentées en 2010 à la Galerie des femmes* et font l’objet d’un beau texte de Gilbert Lascault, qui y voit des idoles primitives de la féminité. Cette forme sensuelle et plastique sera réalisée en porcelaine, en biscuit rose, par la Manufacture nationale de Sèvres. M. Xenakis l’appelle La Pompadour et écrit un livre sur ce sujet. Cette petite femme ramassée aux formes molles et généreuses rappelle étrangement ses premiers dessins.
Marie-Laure BERNADAC
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions