Célèbre photoreporter, Margaret Bourke-White a su s’imposer dans un milieu majoritairement masculin. Au cœur d’événements historiques majeurs, elle a transmis des images parmi les plus marquantes du XXe siècle, dont certaines sont devenues des icônes. Fille d’un ingénieur photographe amateur, elle perfectionne sa pratique – acquise à Columbia – à l’université du Michigan et commence à vendre quelques photographies de style pictorialiste en 1924. Deux ans plus tard, après son divorce, elle reprend ses études, puis obtient son diplôme à l’université Cornell en 1927. Dès lors, elle entame une carrière de photographe d’architecture à Cleveland. Sa production de l’époque présente de grandes affinités, d’une part avec celle du courant américain de la straight photography, initié par Paul Strand, d’autre part avec le mouvement moderniste européen lancé par Laszlò Moholy-Nagy. Ses photographies « pures », réalisées dans les aciéries de la Otis Steel Company entre 1927 et 1928, exaltent la machine et l’industrialisation dans un contexte de fierté nationale. Sa réussite commerciale lui permet d’ouvrir un studio à Cleveland, dont le musée d’Art récompense les images industrielles en 1927. M. Bourke-White débute dans le photojournalisme grâce à l’éditeur américain Henry Luce, qui l’engage pour illustrer le premier numéro du magazine Fortune, paru en février 1930. Forte de ses récents succès, elle aménage dans le Chrysler Building en 1930. La même année, elle séjourne cinq mois en URSS où elle photographie des installations industrielles, les différents chantiers des plans quinquennaux en cours, et se familiarise avec la rhétorique visuelle photographique de la propagande soviétique. Ses clichés de Russie, publiés dans Fortune, font l’objet d’un ouvrage : Eyes on Russia (1931). Au début des années 1930, elle collabore avec des agences de publicité et de nombreuses sociétés : ainsi, en 1934, elle est chargée de réaliser le décor photographique mural de la rotonde du Rockefeller Center à New York. Vers 1935-1936, elle commence à s’intéresser aux individus dans leur environnement – leur présence était rare ou complètement écrasée par les machines dans ses premières photographies. C’est en compagnie de l’écrivain Erskine Caldwell, fameux chroniqueur de la misère du sud des États-Unis, que M. Bourke-White envisage son travail sous un angle plus social. En 1936, en marge du projet de la Farm Security Administration chargée d’aider les paysans touchés par la Grande Dépression, ils sillonnent les États du Sud, afin de documenter et dénoncer les injustices du métayage et la paupérisation des zones rurales. Leur collaboration aboutit à la publication d’un des livres les plus vendus à l’époque, You Have Seen Their Faces (« vous avez vu leurs visages », 1937). Toujours en 1936, le magazine Life lance son premier numéro, avec, en couverture, une des photographies de M. Bourke-White : Fort Peck Dam, Montana (« barrage de Fort Peck, Montana »). À partir de 1939, Life l’envoie régulièrement à la chasse aux « scoops » en Europe. En 1941, à l’occasion d’un nouveau voyage en URSS avec E. Caldwell, qu’elle a épousé en 1939, elle se retrouve seule photographe étrangère à assister au bombardement de Moscou par les Allemands. Elle publiera un récit passionnant de cette expérience : Shooting the Russian War (« photographies de la guerre en Russie », 1940). À partir de 1942, elle est l’unique femme correspondante de l’armée américaine sur le front européen. En 1945, alors qu’elle suit le général Patton à travers l’Allemagne, elle photographie les villes en ruine ainsi que les camps de concentration récemment libérés, dont celui de Buchenwald, et publie Dear Fatherland, Rest Quietly (« chère patrie, repose en silence »). Puis elle continue de parcourir le monde pour Life. En Inde, elle couvre les événements politiques de 1947-1948 ; elle rapporte d’Afrique du Sud ses désormais célèbres portraits de mineurs d’or, réalisés entre 1949 et 1950 ; elle photographie la guerre de Corée vers 1951-1952. En 1955, la célèbre exposition d’Edward Steichen, Family of Man, inaugurée au Museum of Modern Art à New York, présente ses œuvres. En 1963, elle publie son autobiographie, Portrait of Myself, best-seller aux États-Unis ; puis elle prend sa retraite officielle en 1969. Son fonds d’archives est conservé à l’université de Syracuse (New York).
Damarice AMAO
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions