Surnommée la Sainte Mère des champignons sacrés ou encore la chamane la plus célèbre du monde, Marίa Sabina contribue à faire connaître la velada. Cette cérémonie nocturne de guérison comprend l’absorption rituelle de teonanácatl – champignons hallucinogènes tels que le Psilocybe mexicana Heim et le Psilocybe caerulescens Murril var. mazatecorum Heim –, des danses et des chants sacrés au cours desquels les chamanes voient les esprits causant les souffrances d’un malade, les chassent ou les incorporent avant de les vomir. En acceptant d’accueillir et d’initier, en 1955, l’ethnomycologue Gordon Wasson et de se faire photographier par Allan Richardson, cette curandera (« guérisseuse ») qui fume aussi des feuilles de sauge (Salvia divinorum) pour avoir des visions, marque l’ethnobotanique et l’anthropologie. Grâce à elle, la structure chimique de la psilocybine et de la psilocine, ainsi que leur action enthéogène, est identifiée. Dans les années 1960, l’affluence croissante d’étrangers à la recherche de sensations fortes lui fait regretter cette « dé-sanctification » des champignons autrefois absorbés à des fins divinatoires ou médicales chez les Aztèques, mais les villageois de Huautla, à six heures d’Oaxaca par la route, doivent maintenant leur fortune touristique à Maria la sabia (« savante »).
Claudine BRELET