Fille d’enseignants, María Zambrano Alarcón passe son enfance à Ségovie, où son père se lie avec le poète Antonio Machado. En 1924, la famille s’établit à Madrid. Elle étudie la philosophie, avec José Ortega y Gasset et Xavier Zubiri comme professeurs. En 1930, elle publie son premier livre,
Horizonte del liberalismo (« horizon du libéralisme »). En 1931, professeure auxiliaire de métaphysique, elle prépare sa thèse de doctorat, intitulée
La salvación del individuo en Spinoza (« le salut de l’individu chez Spinoza »). Son premier essai,
¿ Por qué se escribe ? (« pourquoi écrit-on ? »), paraît en 1933 dans la
Revista de Occidente. Elle collabore ensuite à d’autres revues,
Los Cuatro Vientos et
Cruz y Raya, et noue des relations avec des écrivains, dont ceux de la « génération de 27 ». En 1936, elle épouse l’historien et secrétaire d’ambassade Alfonso Rodríguez Aldave ; ils partent pour La Havane et le Chili. Ils reviennent l’année suivante, alors que la guerre civile a éclaté. Il rejoint l’armée pour défendre la République ; elle est nommée « conseillère de Propagande » et « conseillère nationale de l’Enfance évacuée ». En janvier 1939, elle s’exile avec sa famille en France, où elle mène une activité littéraire intense et publie, la même année,
Pensamiento y poesía en la vida española (« pensée et poésie dans la vie espagnole ») et
Philosophie et poésie (Filosofía y poesía). Séparée de son mari en 1948, elle commence à veiller sur sa sœur Araceli, retrouvée à Paris, après avoir subi les tortures nazies. Elles vivront ensemble jusqu’au décès d’Araceli, en 1972. Suivent des années de vie nomade en Amérique (New York, Mexique, Porto Rico et La Havane), puis en Europe (Paris, Rome, La Pièce dans le Jura, Genève). Elle ne reviendra en Espagne qu’en 1984, après quarante-cinq ans d’exil. Parmi ses œuvres les plus importantes figurent
Les Rêves et le Temps (
Los sueños y el tiempo, 1939),
L’Homme et le Divin (
El hombre y lo divino, 1951),
Persona y democracia (« personne et démocratie », 1958). Elle évolue vers le mysticisme, avec
Les Clairières des bois (
Claros del bosque, 1977) et
De l’aurore (
De la aurora, 1986). Pour l’auteure, la philosophie commence avec le divin et avec l’explication des choses quotidiennes. Deux postulats s’imposent : la création de la personne et la raison poétique, l’une comme fondement de l’autre, toutes deux unies à la phénoménologie du divin et à l’histoire. La création de la personne est le centre de sa pensée : l’être humain avec ses aspirations, nostalgies, espoirs, échecs et tragédies comme problème fondamental à résoudre. Le sujet de la raison poétique constitue l’un des noyaux essentiels de sa philosophie. Il s’agit d’instaurer une « pensée poétique » capable de dépasser l’abîme entre philosophie et poésie ; dans son œuvre, ces éléments s’entremêlent et se confondent. Un article du philosophe José Luís Aranguren dans la
Revista de Occidente en 1966 entame la lente reconnaissance de son œuvre en Espagne. En 1980, elle est nommée « fille adoptive de la principauté des Asturies », sa première reconnaissance officielle. En 1981, elle obtient le prix Prince des Asturies et est nommée « fille préférée » par sa ville natale. En 1982, elle devient docteure
honoris causa de l’université de Málaga ; en 1988, elle reçoit le prix Cervantes. Une fondation porte son nom, de même que la bibliothèque de l’institut Cervantes de Rome (elle est la seule écrivaine à avoir mérité un tel honneur parmi les 47 bibliothèques qui existent à travers le monde). D’importantes philosophes ont fondé, en 1997, l’Asociación española de filosofía María Zambrano.
María José VILALTA