Romancière, essayiste, journaliste, sociologue, historienne, critique d’art et auteure dramatique, Marie d’Agoult exerce son influence intellectuelle à travers son salon et ses nombreux écrits. Ce salon où elle reçoit sous la Restauration et la monarchie de Juillet des personnalités du monde littéraire et artistique (Sand, Sainte-Beuve, Lamennais, Lamartine, Vigny, Ingres, Chopin, Rossini), devient politique sous le Second Empire. Républicaine modérée et démocrate, elle se lie alors avec la jeune génération républicaine (Carnot, Simon, Tocqueville, Ollivier). Féministe, elle promeut l’éducation des femmes sans toutefois adhérer au féminisme radical des Vésuviennes ou des Femmes libres de 1848. À partir de 1841, elle se consacre au journalisme (Émile de Girardin publie ses premiers articles dans La Presse) et à l’histoire. Sa contribution la plus notable dans ce domaine est son Histoire de la révolution de 1848, publiée de 1851 à 1853. Elle fait connaître les auteurs étrangers ; et elle est la première en France à écrire sur Ralph Waldo Emerson (Revue indépendante, 25 juillet 1846), mais du fait de ses origines allemandes, elle privilégie les auteurs allemands, comme Georg Herwegh et Bettina von Arnim, qu’elle révèle aux lecteurs français dans la Revue germanique et française. Sa position sociale lui permit de transcender les restrictions imposées à son sexe, mais sa vie mouvementée, et surtout les dix années de sa liaison passionnelle avec Franz Liszt, qu’elle décrit dans son roman à clef Nélida (1846), ont souvent obscurci, pour la postérité, son effort moderne pour se construire une carrière et une vie indépendantes.
Véronique CHAGNON-BURKE