Martha Rosler est une artiste majeure de la scène artistique internationale, dont la renommée ne cesse d’influencer le champ contemporain. Composé de photomontages, de films ou d’installations, son travail protéiforme répond à sa volonté, politique, d’élaborer des œuvres, éclairant, dit-elle, « les questions souterraines, comme la façon dont nous vivons nos vies, ou la manière qu’ont les États-Unis de gérer les affaires en notre nom ». En 1974, cette jeune activiste politique étudie à l’université de Californie à San Diego, lieu de contestation et de débats philosophiques ou esthétiques, où elle fréquente des artistes tels qu’Allan Kaprow ou Miriam Schapiro (1923), et des philosophes, comme Jean-François Lyotard, qui marqueront durablement sa pensée. À travers ses œuvres, elle énonce des prises de position virulentes et critiques contre la guerre au Vietnam et sur le féminisme. M. Rosler s’oriente d’abord vers la peinture, tout en développant parallèlement son intérêt pour la photographie. Très vite, elle explore le photomontage, médium lui permettant simultanément d’aborder, de révéler et de détourner la réalité. Nourries par des photos de revues et de quotidiens, ses œuvres critiquent l’usage que font les différents médias de l’image, des atrocités liées à la guerre, et revêtent peu à peu des propos féministes, en cherchant à révéler la manière dont la représentation de la femme est véhiculée, en particulier dans les magazines – le vocabulaire plastique toujours plus cynique de la série Body Beautiful, or Beauty Knows No Pain (1966-1972) en témoigne. Elle subvertit les genres et analyse les contradictions de la société contemporaine. Ses séries de photomontages telles que Bringing The War Home (1962-1972) analysent, sur un mode théâtral, les travers, et en particulier les excès violents et injustes du monde moderne. Vers 1975, M. Rosler découvre aussi le médium vidéo, qui devient rapidement son support de prédilection, du fait de son caractère accessible et démocratique. Dans Semiotics of the Kitchen (1975) ou Born to Be Sold : Martha Rosler Reads the Strange Case of Baby S/M (1988), l’artiste continue à développer ses investigations politiques en détournant l’image de domination et de conservatisme qu’offrent, selon elle, la culture nord-américaine et le monde masculin. Au début des années 1980, elle revient à la photographie et explore les lieux de transition, photographiant les aéroports (In the Place of the Public : Observations of a Frequent Flyer, 1983) ou, plus tard, les métros (Ventures Underground, 1990-2001) : elle se qualifie alors d’« artiste-itinérante ». À la fin des années 1990, elle interroge les caractéristiques et les conditions de vie des sans-abri (Homeless : The Street and Other Venues, 1989). Elle poursuit toujours sa réflexion sur la représentation de l’être, et, plus précisément, de la femme, notamment sur ce que révèlent les magasins et vitrines (Transitions and Disgressions, 2004).
Chantal BÉRET
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions