Considérée comme l’une des plus importantes anthropologues du XXe siècle, Mary Douglas étudie la philosophie, l’économie et les sciences politiques à l’université d’Oxford, influencée par son enfance en pension dans une école catholique. Elle travaille au British Colonial Office, puis prépare sa thèse, suite à une étude de terrain sur la société matrilinéaire des Lele (Congo belge). Son premier livre, The Lele of Kasai (1963), compile quinze années de recherches sur les aspects traditionnels de leur culture. Elle innove en s’écartant du modèle fonctionnaliste prédominant dans l’anthropologie britannique pour intégrer la parenté matrilinéaire et les croyances religieuses et magiques dans tous les aspects de la vie sociale.
Texte de référence de toute formation universitaire en anthropologie, De la souillure (1966) a été classé comme l’une des 100 plus importantes œuvres de non-fiction par le Times Literary Supplement en 1995. Il renouvelle complètement l’approche du symbolique et des systèmes de classification des concepts de pollution, d’hygiène, d’impureté et de tabou dans plusieurs sociétés. L’Ancien Testament y est utilisé pour la première fois comme source de comparaison interculturelle. L’auteure y analyse le rapport entre structures sociales et modes de pensée universels fondés sur des interdictions et les tabous. Dans Natural Symbols (1970), elle approfondit ses réflexions sur le rapport entre cosmologie et morphologie sociale, ainsi que sur les rapports entre le symbolique, les hiérarchies et les institutions sociales. Grâce à sa solide formation religieuse, ses travaux, qui incluent une analyse de la cosmologie chrétienne, apportent une contribution séminale au domaine de l’anthropologie de la religion.
Fortement critiquée dans son pays pour ses idées, elle part travailler onze ans aux États-Unis. À son retour, finalement couronnée par ses pairs comme fellow de la British Academy (1989), elle analyse les institutions des sociétés contemporaines et la question du risque. Professeure invitée à Yale, Princeton ou à l’Ehess, M. Douglas a participé intensément à la vie universitaire britannique et internationale. Quelques jours avant sa mort, dans un entretien à la revue The Spectator (28 avr. 2007), elle réfléchissait sur al-Qaida et son rapport à la culture nord-américaine en prônant le respect et la paix.
Miriam GROSSI