Diplômée en littérature de l’université de Tirana, Mimoza Ahmeti se fait connaître dès la parution de son premier recueil poétique Bëhu i bukur (« deviens beau »), en 1986. Cette reconnaissance se confirmera deux ans plus tard avec la sortie de son deuxième recueil Sidomos nesër (« surtout demain »). Dans un climat littéraire encore tendu par les événements politiques, sa liberté d’être et de s’exprimer, sa sincérité ont su conquérir et fidéliser un large public de jeunes albanais avides de vrai et d’insolite. Delirium, paru en 1994, la consacre comme poétesse des sens, ne cessant de surprendre par ses hardiesses et son esprit inné de rébellion. Cette poétesse au prénom odorant offre une poésie faite de sentiments partagés entre l’ironie crue et le don total de soi. Baptisée la Sappho albanaise, suave et tumultueuse à la fois, provocatrice à souhait, M. Ahmeti représente l’une des rares plumes de sa génération à avoir résisté à l’emprise du politique sur l’artistique, tant avant qu’après la chute du régime en place. Galvanisée par la passion de vivre et de créer que lui insuffle son « diable rouge » – du nom qu’elle donne à son inspiration créatrice –, elle introduit dans la poésie albanaise la prévalence de la subjectivité sur l’emprise de la communauté. Pour elle, l’acte créatif consiste à la fois à créer et à se créer soi-même. Prônant la beauté au sens le plus large et l’homme en tant que spiritualité nue, elle considère l’idéologie et les idées reçues comme les tares d’une société traditionnellement machiste et s’emploie à les combattre par l’extravagance, la volonté du beau, l’exubérance du verbe et le délire poétique. Également peintre et éditrice, elle s’est essayée à la prose, dans un type de récit méditatif aussi particulier que le titre de son ouvrage L’Absurde coordinatif. Ses textes poétiques sont régulièrement cités dans les choix anthologiques de poésie albanaise.
Ardian MARASHI