Formée de 1968 à 1975 à la Gewerbeschule de Bâle (où elle travaille aujourd’hui), Miriam Cahn s’est imposée comme une des figures féminines les plus intéressantes de l’art contemporain suisse. Son travail est fondé sur l’image du corps, plus précisément sur les conditions d’apparition de cette image : son surgissement, sa disparition. Le diaphane et le spectral caractérisent l’essentiel de son propos figuratif, où sont convoqués peinture, dessin et photographie. Qu’ils soient exécutés directement sur les murs de la ville, la nuit, ou sur des grands cahiers posés au sol (Vour Weggehen), ses premiers dessins au fusain de la fin des années 1970 manifestent une expression véhémente, violente : dans une articulation binaire, l’image corporelle féminine ou masculine se projette toujours sous forme de cylindres, de tuyaux. L’artiste ne tarde pas à utiliser son propre corps comme matériau, dans des performances vidéo où sont projetées les dichotomies sommaires privé/public, identité subjective/aliénation sociale. En 1981, dans Erternen einer tödlinchen Spräche et Westich Fürhe, des figures humaines, emprisonnées dans des maisons-cylindres, sont dotées de têtes sauvages ; mais dans les grands formats formant, par exemple, l’installation Schweigende Schwester (« sœur silencieuse »), réalisée à la Kunsthalle de Bâle en 1981, les grandes figures, exécutées à la craie noire directement au sol, apparaissent déjà soit isolées soit en groupe, comme fantomatiques. Le surgissement frontal du visible dans le paysage (qui est lui-même évanescent jusqu’à l’abstraction), le mystère de l’apparition d’un corps nu quasi enfantin, mais dont la nature bestiale affleure, ou de celle d’un visage tronqué saisi en gros plan, la fugitivité de toutes ces apparitions – noyées dans un halo coloré, elles semblent à peine se détacher de la surface lisse de la toile – relèvent d’une réflexion sur la mémoire et le temps, et d’une conscience aiguë d’un désastre, liée à l’engagement politique et féministe de l’artiste. Depuis, entre autres, la présentation de son œuvre à la Documenta de Kassel de 1982, la reconnaissance européenne de l’œuvre de M. Cahn ne cesse de s’affermir : elle expose successivement à l’Akademie der Bildenden Künste de Berlin et au Museum für Moderne Kunst de Francfort (1998), à la Caixa à Madrid (2003) et au Plateau à Paris (Non-Lieu, 2004), avec Laurent Pariente et Romain Pellas.
Agnès DE LA BEAUMELLE
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions