Le développement de la mode au Brésil est récent. Son histoire débute en 1808, avec l’arrivée de la famille royale portugaise et l’établissement de la cour à Rio de Janeiro. À cette époque, le pays n’est pas autorisé à produire ses propres textiles, à l’exception des pièces ordinaires destinées aux vêtements des esclaves ou aux sacs de transport des marchandises. Les tissus les plus sophistiqués sont importés d’Angleterre. Mais en matière d’élégance, la France reste la référence obligée : les artisans et les commerçants n’hésitent pas à franciser leurs noms et les couturières d’origines portugaise, arabe, italienne, espagnole ou hollandaise se font appeler « mademoiselle ». Les revues féminines et les voyages font le lien entre le continent sud-américain et l’Europe, permettant ainsi aux Brésiliennes de suivre la mode parisienne. Les esclaves africaines, par la richesse et l’élégance de leur toilette, servent de faire-valoir à leurs maîtresses. En témoignent les toiles de l’artiste français Jean-Baptiste Debret, qui les a mises en scène dans plusieurs de ses aquarelles et dessins.
Il faut attendre 1920 pour que s’ouvre, à Rio de Janeiro, la première maison de haute couture brésilienne, Casa Canadá, tenue par deux femmes, Mena Fiala et sa sœur Cândida Gluzman. Inspirés par la mode parisienne, leurs modèles sont adaptés à la réalité climatique et sociale du pays. Durant les années 1950, Zuzu Angel (née à Curvelo en 1921), de son vrai nom Zuleika Angel Jones, marque profondément par sa démarche originale. S’éloignant des goûts occidentaux, s’inspirant de la joie et de la richesse des couleurs de sa culture, elle puise dans les matériaux locaux, mélange soie, rubans, chitas (comparable au chintz anglais) et ses imprimés imitent la faune et la flore du pays. Ses modèles s’adressent aussi bien à l’élite qu’aux plus modestes. Au début des années 1970, elle ouvre un magasin dans le quartier d’Ipanema à Rio de Janeiro et présente ses collections aux États-Unis, où elles remportent un succès immédiat. Z. Angel utilise ses créations pour dénoncer la dictature. Elle s’oppose au régime, exigeant en vain la restitution du corps de son fils, activiste communiste arrêté puis exécuté. Elle poursuit son travail et cette lutte jusqu’à sa mort accidentelle en 1976.
Les années 1960 et 1970 représentent un tournant majeur avec d’une part l’accroissement de la production textile et, d’autre part, l’émergence de jeunes stylistes. Au cours des deux décennies suivantes, les manifestations se multiplient dans les villes de Rio de Janeiro et de São Paulo, et une mode plus jeune, consacrée notamment à la plage, s’affirme. Au début des années 1990, des créatrices telles que Karlla Girotto, Adriana Barra, Vera Arruda et Isabela Capeto participent à la recherche d’une identité brésilienne.
Enseignante issue du théâtre, K. Girotto (née à São Paulo en 1976) est une personnalité phare. Mêlant différentes techniques, son travail s’enrichit d’oppositions (masculin-féminin, lourd-léger, agressif-doux) et ses défilés sont de véritables performances poétiques.
A. Barra (née en 1974 à Londrina, Paraná) étudie la mode au Brésil, à Londres et en Italie. Créant des pièces exclusives, elle est célèbre pour ses impressions sur des robes longues ainsi que pour ses silhouettes légères et fluides.
V. Arruda (née à Palmeira dos Índios, Alagoas, en 1966 et décédée à São Paulo, en 2004) débute par la création de bijoux. Plasticienne, elle conçoit des vitrines, et étudie au Studio Berçot, à Paris, à la fin des années 1990. Installée à São Paulo en 1997, à l’avant-garde de la vague « folk », qui a envahi l’imaginaire des nouveaux créateurs, elle allie patchwork et tissus nobles, broderies et pierreries fantaisie, ainsi que de nombreuses fleurs. Son travail est inspiré par la déesse Iemanjá, et chacune de ses pièces raconte une histoire. Après le décès prématuré de la créatrice, la marque Vera Arruda reste en activité et collabore avec l’artisanat local.
Après avoir étudié la mode à Florence, I. Capeto (née en 1970) ouvre un petit atelier à Rio de Janeiro, en 2003. Son talent est reconnu lors de la Fashion Rio, où son défilé est aussi l’un des plus contestés. Elle utilise de nombreuses découpes, accorde beaucoup d’attention aux détails et ses créations illustrent un imaginaire très « carioca ». Anticonformiste, elle tire son inspiration des livres et des musées et transforme ses créations en objets d’art.
Les quinze dernières années ont vu émerger une nouvelle génération de créateurs brésiliens – notamment des femmes – et la mode fait aujourd’hui partie des préoccupations majeures du pays.
Kathia CASTILHO et Sylvia DEMETRESCO