Ayant vécu à Pate, un important centre culturel de l’archipel de Lamu au nord du Kenya, Mwana Kupona binti Msham était la dernière femme du cheikh Mataka al-Famau, le seigneur de Siyu, un personnage bien connu de l’histoire swahilie, qui a mené pendant plus de deux décennies une guérilla contre le sultan de Zanzibar, Said bin Sultan al-Busaid. Elle eut avec lui deux enfants, un garçon et une fille. Mwana Kupona est la seule poétesse célèbre de l’époque classique, même si nous savons que beaucoup de femmes dans la région de Lamu ont été expertes en composition poétique. Sa réputation est liée à un seul poème, simplement intitulé Utendi wa Mwana Kupona (« poème de Mwana Kupona »). Le terme utendi ou utenzi est l’une des formes poétiques swahilies les plus connues, utilisée surtout pour de longs poèmes épiques. Il est composé de strophes de quatre octosyllabes dont les trois premiers sont liés par la rime, tandis que la rime du quatrième reste la même dans tout le poème. L’auteure a composé son œuvre deux ans environ avant sa mort, alors qu’elle était déjà veuve et gravement malade. C’est une sorte de testament spirituel dédié à sa fille Hashima (morte en 1933), qui inclut des instructions sur les devoirs religieux, conjugaux et le comportement général d’une jeune fille. La poétesse donne aussi des conseils sur la gestion de la maison, sur les relations sociales et la charité envers les pauvres. Elle se souvient du bonheur de sa propre vie conjugale et du chagrin d’avoir perdu son mari. Enfin, envisageant sa disparition imminente, elle recommande ses enfants, ses parents et elle-même à Dieu, dans une émouvante prière. De tels poèmes à caractère didactique et moralisateur ont été souvent composés à l’usage des membres des familles musulmanes de la côte swahilie. Elle réussit à instiller dans cette œuvre qui reflète la vie sociale des classes aisées swahilies, son expérience personnelle, exprimée avec un grand sens artistique. Utenzi wa Mwana Kupona est l’un des poèmes les plus populaires de la littérature swahilie, comme l’attestent de nombreuses copies manuscrites encore existantes. La raison de sa renommée réside surtout dans sa simplicité et sa relative brièveté (102 strophes), combinées à une langue peu difficile dont le ton dénote sincérité et passion. Publié en Europe dès 1934, il est bien connu des chercheurs occidentaux.
Elena BERTONCINI