Née en France de parents américains, Nicole Eisenman sort diplômée de la Rhode Island School of Design en 1987. L’inspiration de ses œuvres vient des peintures allégoriques de l’art ancien (Rubens), mais aussi de la culture populaire (bandes dessinées, publicités, séries télévisées et films de série B), avec une dette particulière au dessinateur Robert Crumb : la profusion de personnages qui caractérise ses créations nous immerge ainsi dans une cosmologie vaguement familière. Mais le réalisme satirique de certains dessins gigantesques fait aussi écho aux fresques murales du Works Progress Administration des années 1930, une agence instituée dans le cadre du New Deal et qui commandita à des artistes de grands projets décoratifs. Enfin, son style ainsi que l’esprit de critique sociale qui caractérise son travail empruntent à l’expressionnisme allemand. Son travail, à la facture variable, procède autant de la satire que de la réappropriation. Dans cette révision de l’histoire de l’art, l’artiste déplace des éléments provenant d’œuvres connues dans un milieu punk lesbien et une ambiance grotesque et hallucinatoire. Par l’ironie qu’elle emploie, elle est proche de créateurs contemporains, tel John Currin, ou des peintres allemands de l’école de Leipzig, mais elle se propose de revoir les conventions machistes de l’iconographie dominante grâce à ses objets à forte connotation sexuelle, qui dégagent une joyeuse vulgarité. Son univers est peuplé de foules orgiaques, de sacrifices dionysiaques, de scènes allégoriques et héroïques où les rôles importants sont tenus par des femmes. Les figures mythiques sortent de leurs rôles et entreprennent d’audacieuses vengeances, telles les Amazones chassant le Minotaure de Pablo Picasso, avec une libido ouvertement agressive et jouissive très éloignée des normes (The Minotaur Hunt, 1992). Parmi ses travaux les plus récents, le thème de la maternité lesbienne s’impose. Elle livre également des portraits empreints de tristesse qu’elle oppose à l’obsession du bonheur.
Fabienne DUMONT
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions