Cette puissante guérisseuse, notamment de l’infertilité, tire son nom de niya (« noir ») et de binghi (« victoire »). De l’ethnie des Bakiga appartenant à l’ensemble des Bantous (« les humains » en langue kongo), elle vécut à Mukante, sur les collines Bufundi, entre le lac Bunionyi et l’actuelle frontière de l’Ouganda avec le Rwanda. Elle fut tuée par une rivale, mais son esprit continua d’être invoqué lors de sacrifices traditionnels et serait à l’origine de miracles. Après sa divinisation, un culte très important lui fut rendu de 1850 à 1950, dans la société matriarcale de cette région. Son esprit se manifesterait à l’occasion de transes, de danses de guérison, de tremblements sacrés des prêtresses bagirwa (celles qui initient) vêtues de voiles tissés d’écorce. Il aurait possédé la reine Muhumusa, venue se réfugier en Ouganda après avoir été emprisonnée avec son époux, le roi rwandais Rwabuguri Kigeri, par les Allemands en 1909, puis libérée en 1911. Son tambour sacré, dont le grondement protecteur ferait battre de concert le cœur et donc le courage des hommes, serait caché dans cette société matriarcale. Aidée des populations initiées au culte Niyabinghi, Muhumusa soulève en Ouganda une rébellion contre les Britanniques qui, s’appuyant sur la loi contre la sorcellerie, le Witchcraft Act passé en 1562 sous le règne d’Elizabeth Ire, la capturent en 1913 et la jettent en prison, où elle meurt en 1945. Très répandu en Afrique centrale et supposé originaire d’Éthiopie, le culte Niyabinghi – et ses tambours sacrés – inspire le mouvement rastafari en Jamaïque.
Claudine BRELET