Fille unique d’un père employé de la poste et d’une mère qui, en 1898, achève des études médicales lui permettant d’exercer dans l’Ohio et le Massachusetts, Olive Hazlett s’installe peu après avec cette dernière dans les environs de Boston. Elle entre au Radcliffe
College où elle peut se spécialiser en mathématiques, grâce aux cours que des professeurs de l’université de Harvard viennent donner dans cet établissement de jeunes filles, alors qu’Harvard reste fermée aux femmes. En 1912, elle sort diplômée et intègre l’université de Chicago pour entreprendre des recherches en algèbre sous la direction de L. Dickson. Elle obtient son doctorat
(PhD) en 1915 avec une thèse portant sur la caractérisation de certains types d’algèbres associatives à partir d’invariants rationnels. Après deux ans au Bryn Mawr College (Pennsylvanie), premier établissement ayant offert aux femmes la possibilité d’aller jusqu’au doctorat, elle prend un poste de professeure assistante au Holyhoke College (Massachusetts)
. Devenue professeure associée, elle juge ses enseignements trop lourds et les ressources de la bibliothèque trop pauvres pour lui permettre de continuer ses recherches, et en 1925 elle préfère devenir assistante à l’université de l’Illinois, à Urbana-Champaign, où les conditions de travail semblent meilleures. Elle y effectuera le reste de sa carrière. À cette époque, O. Hazlett occupe une position majeure dans le milieu de la recherche mathématique en algèbre aux États-Unis. Une bourse de la fondation Guggenheim lui permet de voyager et de travailler pendant deux ans en Europe (en Italie, à Göttingen et à Zurich). À son retour, en 1930, elle est promue professeure associée, mais les conditions de travail ne sont pas celles qu’elle avait espérées et ses recherches en pâtissent. Elle reste cependant active d’une autre façon dans les associations de mathématiciens et dans les équipes éditoriales des journaux de recherche. En 1935, alors qu’elle s’est plainte à son chef de département de son manque de temps pour la recherche, elle n’est pas entendue et sombre alors dans une dépression sévère. Elle peut reprendre son activité à la fin de l’année 1938, mais reste fragile et isolée. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle travaille dans le plus grand secret sur le codage et le décodage de documents militaires, l’
American Mathematical Society ayant constitué en 1940 un groupe restreint de crypto-analyse. Sa santé continuant à se dégrader, elle est hospitalisée par décision de justice en 1945 à l’hôpital de Kankakee dans l’Illinois. Ce n’est qu’en 1953 que, soutenue par un médecin et par le procureur, elle parvient à faire reconnaître qu’elle n’est pas mentalement malade et à rentrer chez elle à Peterborough. Cette triste histoire d’une passion avortée ne doit pas occulter la flamboyance des années productives en recherches, entre 1915 et 1930 : 17 publications importantes parues dans les journaux scientifiques (plus qu’aucune des mathématiciennes américaines avant 1940), plusieurs communications chaque année lors de colloques, dont celles aux deux congrès internationaux des mathématiciens à Toronto en 1924 et à Bologne en 1928. O. Hazlett est, par ailleurs, la deuxième femme mentionnée pour les mathématiques (après
Charlotte Scott*) dans l’annuaire
American Men of Science (1927). Ses travaux de recherche portent sur la structure arithmétique des algèbres associatives, sur les algèbres nilpotentes, les algèbres à division, les matrices et les quaternions. Elle ouvre le champ d’une théorie algébrique des invariants en caractéristique
p non nulle et invente la théorie algébrique des équations différentielles en caractéristique
p.
Anne-Marie MARMIER