Le travail de Paola Pivi repose sur l’idée de renversement, traitée dans des photographies, des performances et des installations, dont les effets visuels élaborés s’imposent à l’œil sans violence. Ingénieure de formation, elle entre par hasard, dit-elle, à 24 ans, à l’Académie des beaux-arts de Milan, mais n’achève pas son cursus. En 1997, dans un geste de défi expérimental, elle renverse sur le flanc un camion de transport du plus gros modèle existant (Camion). Sa première exposition a lieu chez Massimo De Carlo, à Milan, en 1998 : elle y présente 100 Chinois adultes, massés dans un carré au sol et vêtus d’un sweater gris et d’un pantalon noir (100 Cinesi, 1998) ; cette sculpture vivante pose la question de l’identité individuelle telle qu’elle est conçue en Occident et ailleurs. Dès l’année suivante, elle obtient le Lion d’or du meilleur pavillon national à la Biennale de Venise en 1999 (avec Monica Bonvicini*, Bruna Esposito, Luisa Lambri et Grazia Toderi). Elle poursuit son travail sur les effets de décalage dans Alicudi Project (2001), photo d’une île proche de la Sicile, scannée et imprimée à l’échelle 1/1 : l’élément naturel est devenu une immense sculpture. Afin d’attirer l’attention sur un environnement discrètement spectaculaire, elle le confronte à un bestiaire exotique. Ses animaux, placés dans des lieux qui ne correspondent pas à leur environnement naturel, donnent naissance à des images incongrues, comme ces deux zèbres photographiés dans un paysage enneigé (Zebre, 2003), ou bien cet âne, qui occupe docilement une barque en pleine mer (Senza titolo [asino], 2003). L’artiste se montre soucieuse d’une vérité de l’image : elle se refuse à des manipulations digitales et utilise un appareil argentique, dont elle obtient des tirages traditionnels. Par la photographie, elle cherche à capturer un moment, celui où l’idée devient œuvre, alors que l’image prévue par l’artiste s’incarne dans la réalité. Très jeune, P. Pivi a exposé dans des lieux institutionnels qui se veulent des laboratoires de l’art contemporain, comme le Museum of Modern Art PS 1 à New York, le musée d’Art contemporain à Rome, ou encore le palais de Tokyo à Paris.
Marie FRETIGNY
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions