Après avoir étudié à Belgrade, à Zagreb et à New Delhi, Rada Iveković a enseigné la philosophie à l’université de Zagreb. Pendant cette période, sa réflexion s’est axée sur la philosophie indienne et elle a publié sur le sujet plusieurs livres en serbo-croate. Elle a aussi traité de la construction des nationalismes et a dénoncé le risque d’une guerre fratricide. En 1991, au début de la guerre en ex-Yougoslavie, elle enseigne en France, à l’université Paris 8, puis à l’université de Saint-Étienne. Elle est également directrice de programme au Collège international de philosophie de Paris (2004-2010). Son travail traite des rapports symboliques entre l’Orient et l’Occident, et de la violence. Elle s’intéresse à la refondation de l’Europe de l’après guerre froide et à l’ouverture des frontières de l’Est. L’étude du nationalisme postcommuniste dans les Balkans montre le fonctionnement de la société patriarcale au cœur de tout nationalisme : le discours de l’identité collective masculinise au niveau symbolique « le fonctionnement de la société et de l’État ». En 2003, dans
Dame nation et différence des sexes et
Le Sexe de la nation, elle place les rapports de sexe au principe du politique. Elle démontre le lien étymologique entre « nation » et « naissance », et le conflit originaire entre la place symbolique du féminin et la marginalisation des femmes dans l’ordre politique et social. À travers l’analyse exemplaire de la partition masculin/féminin dans la société, on peut comprendre que le partage, dans sa double acception, est un élément dans la construction de la raison. R. Iveković développe la question du « partage de la raison » qui signifie que la raison elle-même contient son contraire : la déraison, l’inhumain, la violence, qu’elle feint d’expulser pour les projeter sur l’autre et l’exclure. Ce partage est « théorique » et il se présente dans divers types d’inclusions subordonnées tels que la situation (post)coloniale, ou dans le rapport entre les philosophies occidentales et les philosophies indiennes. C’est à la « politique de la philosophie » de dégager, à partir de ces mêmes interrogations, les conditions épistémologiques, et le travail de R. Iveković se concentre sur celles-ci, prenant en compte le tournant de la modernité et l’histoire coloniale.
Monia ANDREANI