Après de brèves études de philosophie et d’économie, Rebecca Horn entre à la Hochschule für Bildende Künste (« académie des beaux-arts ») de Hambourg en 1963. À partir de 1967, elle commence à réaliser de grandes sculptures en résine polyester. À la suite d’une intoxication pulmonaire liée à cette résine, elle est confrontée à l’univers médical et à ses appareillages : « Toutes mes premières performances viennent de cette expérience. » En réaction à l’isolement forcé de la convalescence, l’artiste conçoit des œuvres qui favorisent la communication avec les autres, notamment à travers le corps devenu naturellement l’enjeu central du chemin vers la guérison. En 1971, elle poursuit sa formation à la Saint Martins School of Art de Londres. En 1974, elle enseigne à l’université de San Diego et, depuis 1989, à l’université des arts plastiques de Berlin. Überströmer (« machine de sang débordant », 1970) reflète des préoccupations anatomiques de circonstance ; l’installation El rio de la luna (« la rivière de la lune », 1992) montre des veines de plomb traversées de mercure. À la fin des années 1960 s’amorce une abondante série de sculptures corporelles liées à des performances : des extensions du corps en tissu. Avec Arms extensions (« extensions des bras », 1968), le corps est contraint par des prothèses handicapantes. Cornucopia, seance for two breasts (« corne d’abondance, séance pour deux seins », 1970) relie les seins à la bouche, suggérant une forme d’auto-allaitement. Dans le même esprit, l’artiste conçoit la célèbre performance filmée Einhorn (« licorne », 1971), où la silhouette élancée à la démarche gracieuse d’une étudiante est prolongée par une haute corne blanche soutenue par une sorte de corset de bandages. D’autres œuvres articulées s’attachent à créer une seconde peau protectrice, voire un cocon qui double la prison corporelle, soulignant l’isolement, la séparation de l’objet de désir comme Weißer Körperfächer (« éventail blanc pour corps », 1972). Les machines de R. Horn constituent une suite logique de l’œuvre après les extensions corporelles. Ses sculptures cinétiques qui se déploient dans l’espace sous la forme d’installations se détachent du corps pour mimer ses mouvements et les passions humaines. Elles ne s’imposent pas par leur puissance mais par la poésie de leur mécanique, dont la précision fascinante contraste avec le dérèglement fou de leur mouvement frénétique. La performeuse a également réalisé plusieurs films, moyens et longs-métrages, qui utilisent ses œuvres comme éléments ou protagonistes, impliquant une parfaite continuité avec ses installations. Elle a reçu de très nombreuses distinctions pour son œuvre, notamment le Document-Preis (1986), le Carnegie Prize (1988) et le Barnett and Annalee Newman Award (New York, 2004). Elle vit et travaille à Paris et à Berlin.
Raphaël CUIR