Alors qu’au XVIIIe siècle les philosophes des Lumières font de l’aptitude à écrire le signe de la Raison, elle-même preuve de l’humanité d’un être, l’esclavage interdit aux Noirs l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Confiner les Noirs dans l’illettrisme permet aux Blancs de maintenir une conception hiérarchique de l’ordre racial sur laquelle reposent l’ensemble des relations maître-esclave. Coups de fouet, mutilations, emprisonnements viennent invariablement châtier celui qui déroge à la règle. C’est dans ce contexte que commencent à fleurir des récits d’esclaves dans des journaux, des essais, des dépositions judiciaires, autant de témoignages précis et directs des conditions de vie des Noirs au temps de l’esclavage, en général dans le sud des États-Unis.Enjeux et caractéristiques des récits d’esclavesParmi les 6 000 récits d’esclaves que recense l’historienne Marion Wilson Starling en 1946, parus pour la plupart entre 1760 et 1860, une centaine seulement répondent spécifiquement aux critères littéraires du genre. Couronnés par un indéniable succès populaire, ils se heurtent cependant au mépris des critiques durant des décennies et ne sont réédités que dans...
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■ FRISCH A., The Cambridge Companion to the African American Slave Narrative, Cambridge, Cambridge University Press, 2007 ; DAVIS C. T. et GATES H. L. Jr., The Slave’s Narrative, Oxford/New York, Oxford University Press, 1985.