C’est l’exposition Wack ! Art and the Feminist Revolution (Los Angeles, 2007 ; Vienne, 2008 ; New York, 2009) qui a ravivé l’intérêt pour l’œuvre de cette artiste, décédée prématurément à 41 ans. Des études d’infirmière interrompues, trois enfants, un mari officier de marine souvent absent, de fréquents déménagements : la pratique artistique de Ree Morton ne se concrétise qu’en 1966, lorsqu’elle étudie à l’université de Rhode Island, puis, après la séparation d’avec son époux, à la Tyler School of Art de Philadelphie, dont elle sort diplômée en 1970. Ses œuvres insolentes font fi des catégorisations et des « maîtres ». Elle définit l’espace comme une addition « d’air à un objet », et comme un lieu d’activité et d’engagement. Elle utilise du bois pour ses raw drawings (« dessins bruts »), des structures simples assemblées par des clous et striées de lignes ou de pois rouges, noirs ou verts. Elle convoque ensuite une plus grande variété d’espaces et de matériaux pour ses installations, notamment des bâtons et des branches rejointes, sur le mur ou au sol, par des lignes et des points peints, qui leur offrent une contextualisation quasi rituelle ou primitiviste. Elle s’intéresse aussi à la psychologie de l’espace, aux topographies réelles ou imaginaires, à l’interaction humaine avec l’archéologie industrielle, comme avec le mythe de la maison originelle. Elle participe à la Whitney Biennial du Whitney Museum of American Art (New York, 1973), qui accueillera, l’année suivante, la seule exposition personnelle de son vivant. L’artiste devient également enseignante, découvre le théâtre expérimental de Grotowski et se lie avec la peintre Cynthia Carlson (1942), avant de déménager à New York. À partir de 1973, elle étend son travail vers la voie métaphorique : son installation Sister Perpetua’s Lie (« le mensonge de sœur Perpetua », 1973) est inspirée par les Impressions d’Afrique de Raymond Roussel ; elle découvre en outre les utilisations du célastic, matière lui permettant de fabriquer des emblèmes, des formes de rubans, de bannières ou de drapeaux, ornées de phrases et de blasons floraux – ce dont témoigne l’installation Signs of Love (1976), qui célèbre la vitalité intellectuelle et émotionnelle.
Élizabeth LEBOVICI
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions