Celle que ses contemporains allaient considérer comme « l’écrivaine la plus érotique » de la Hongrie naît dans une famille juive, pauvre et nombreuse. D’une beauté envoûtante, Renée Erdős s’inscrit à 15 ans dans une école dramatique de Budapest, mais choisit bientôt la carrière d’écrivaine. Son premier recueil,
Leányálmok (« rêves de filles », 1899), contient encore des poèmes assez conventionnels, mais
Versek (« poésies », 1902) proclame déjà avec témérité le droit des femmes à l’amour charnel et fait de son auteure l’un des précurseurs de la littérature hongroise moderne. Sa notoriété lui permet de publier dans les revues littéraires les plus en vue. Elle est aussi aidée par Sándor Bródy, écrivain et rédacteur influent, avec lequel elle a une longue liaison. Après leur rupture, elle se convertit au catholicisme et se retire quelques années dans un monastère, en Italie. Après sa conversion, R. Erdős renie ses poésies provocantes et se consacre à la prose. Elle a cru trouver la cause principale de la crise des sociétés occidentales dans la vénération des droits de l’individu et de la femme, et a célébré un idéal féminin conservateur dans ses romans. Les quatre volumes de son cycle romanesque
Ősök és ivadékok (« les aïeux et leurs descendants », 1908-1928) – dont un,
Az Új sarj (« le nouveau rejeton », 1920), évoque la vie de la communauté juive orthodoxe campagnarde – sont surtout centrés sur sa liaison avec S. Bródy. Si l’ambition affichée de ses « romans d’artiste » –
Santerra bíboros (« le cardinal Santerra », 1922) ;
A nagy sikoly (« le cri strident », 1923) ;
A csöndes kikötő (« le port silencieux », 1933) – est l’exploration du psychisme moderne, l’écrivaine aboutit en fait toujours à une représentation transgressant tous les tabous de la sexualité féminine. Elle a été la première femme à vivre de sa plume, mais à la suite des lois antisémites ses écrits ne paraissent plus après 1938. Elle réussit à échapper aux nazis en 1944-1945, cependant sa villa est confisquée après la guerre et ses œuvres, interdites. Quittée par son second mari, elle doit affronter seule le suicide de l’une de ses filles. Elle meurt complètement oubliée en 1956.
Judit KÁDÁR