Née de parents immigrés russes, Rina Yerushalmi part étudier en Angleterre, puis, de retour en Israël, se plonge dans la méthode Feldenkrais, qu’elle utilise avec ses acteurs. Elle travaille avec
Nola Chilton*, puis termine ses études aux États-Unis et au Japon, où elle étudie le nō. En 1989, elle fonde l’une des rares compagnies indépendantes, l’Itim Theater Ensemble. Avec des acteurs fidèles, elle suit une voie marginale et jouit d’une reconnaissance qui entraîne souvent des comparaisons avec
Ariane Mnouchkine*. Son théâtre se veut un laboratoire de recherches expérimentales sur une mise en jeu très chorégraphiée de textes classiques, souvent non théâtraux : l’Ancien Testament dans
Va yomer (« et il dit », 1996)
et
Va yelech (« et il marcha », 1996) ; l’
Iliade et l’
Odyssée, dans
Mythos (2002). Dans ses projets, elle cherche à aller à l’essentiel, en projetant une nouvelle lumière sur des textes « connus ». Son esthétique joue sur la simultanéité des situations scéniques et sur leur confrontation, dans le non-dit du texte. Dans sa longue épopée biblique – probablement son œuvre la plus politique –, elle défend une esthétique « juive » qui dissèque les actions et les relations humaines selon des points de vue changeants et concomitants. Elle répète à l’infini une scène en l’amplifiant, dédouble les personnages afin d’empêcher toute incarnation (
Roméo et Juliette, 1992 ; Clytemnestre dans
Mythos), juxtapose texte ancien et discours moderne (
Woyzeck, 1991), retravaille un cliché en en détournant l’imag(inair)e. R. Yerushalmi est invitée dans les plus grands festivals internationaux et enseigne le théâtre à l’université de Tel-Aviv.
Isabelle STARKIER