Cette artiste singulière s’est d’abord fait connaître dans les années 1990 par des bâtons carrés en aluminium, sur lesquels étaient gravées des phrases, puis par des blocs de verre bleu ou transparent, posés au sol, ou encore par ce qu’elle appelle l’Asphere (1988-2001), une sorte de boule en acier, pas totalement ronde. Bien que d’obédience formaliste et minimaliste, ces œuvres sont déjà chargées d’un contenu poétique et symbolique. Parallèlement, Roni Horn réalise des séries de photographies sur des vestiaires de piscine (Ellipsis, 1998), des portraits de femmes, des chouettes (Dead Owl, « chouette morte », 1997), des clowns. Une autre partie de son travail est consacrée à de grands dessins, composés de signes bleus ou rouges, fragments de traits éclatés, incisés sur des feuilles de papier blanc. Cette œuvre inclassable par l’hybridité de ses médiums, la dualité figuration-abstraction, texte-image, est révélatrice de sa position artistique, qui tente de rendre compte de ses émotions devant la nature, le paysage et le temps. Depuis 1975, elle séjourne régulièrement en Islande, habitant dans une petite cabane rudimentaire de ramasseurs de plumes de canards sauvages, et photographie ses hôtes, les volcans, la mer. Cette île sauvage et mystérieuse entre volcans et glaciers, avec ses sources d’eau chaude, exerce une influence déterminante sur sa démarche créatrice et donne naissance à une série de livres en neuf volumes, Island : To Place (1990-2006). L’eau est un composant essentiel de sa démarche ; on la retrouve dans la série des photographies de la Tamise, The River Thames (1999), mais aussi dans les blocs de verre qui semblent contenir l’élément liquide. R. Horn est également connue pour une série de portraits d’une amie, You Are the Weather (1994-1995), qui tente de saisir, par un gros plan sur son visage, la variété des sentiments, des humeurs, et le passage du temps ; elle fait aussi le portrait d’Isabelle Huppert* [Portrait of an Image (with Isabelle Huppert), 2005], titre qui indique bien son rapport au modèle. Son travail est hanté par la question de la dualité, du dédoublement, de l’identité et de la différence. Elle s’adresse à l’expérience du spectateur qui, pour elle, fait partie intégrante de l’image. Son œuvre a fait l’objet, en 2009, d’une rétrospective à la Tate Modern de Londres, avant d’être présentée à la fondation Lambert d’Avignon.
Marie-Laure BERNADAC