Née dans une famille d’aristocrates, Rosario de Acuña y Villanueva hérite du titre de comtesse, dont elle n’usera jamais. Son enfance, au cours de laquelle elle jouit d’une parfaite éducation, est marquée par une altération de la vision qui s’aggravera jusqu’à la cécité quasi absolue. Sa vocation littéraire précoce se manifeste d’abord par la poésie : La vuelta de una golondrina (« le retour d’une hirondelle ») est publiée en 1875 ; un an plus tard, Ecos del alma (« échos de l’âme », 1876) la consacre comme poétesse. Elle collabore à diverses publications, et, à partir de 1882, à El Correo de la Moda (« le courrier de la mode »), journal féminin où elle exprime ses idées révolutionnaires. Si elle ne dédaigne pas le genre narratif − les contes de Tiempo perdido (« temps perdu », 1881), le roman El crimen de la calle Fuencarral (« le crime de la rue Fuencarral», 1889) −, c’est néanmoins le théâtre qui lui apporte la renommée : son drame historique Rienzi el tribuno (« Rienzi le tribun »), un plaidoyer en faveur de la liberté, preuve de hardiesse à l’époque, est représenté à Madrid en 1876 ; Tribunales de venganza (« tribunaux de vengeance »), en 1880. En 1884, elle est la première femme à occuper la chaire de l’Ateneo scientifique et littéraire de Madrid. Elle s’éloigne de son mari, Rafael de la Iglesia, qu’elle finira par quitter, et s’entoure de libres-penseurs, se rapprochant des cercles culturels d’obédience républicaine. En 1886, elle fait la connaissance de Carlos de Lamo Jiménez, qui devient son compagnon ; la même année, son initiation dans une loge maçonnique d’Alicante soulève une polémique qui s’accroît en 1891, avec son nouveau drame, El padre Juan (« le père Juan »). Le succès est immense, mais l’anticléricalisme de la pièce scandalise les milieux conservateurs : les représentations sont suspendues. Elle s’installe à Gijón (Asturies) en 1911 et se trouve, une fois encore, au centre de la polémique lorsque ses réflexions sur la relation entre éducation religieuse et attitudes machistes, publiées dans L’International de Paris, sont reprises dans El Progreso de Barcelone. Elle s’exile au Portugal, jusqu’à ce qu’elle obtienne la grâce du roi Alphonse XIII, en 1913. Dès son retour à Gijón, elle participe activement à la vie littéraire et culturelle de la ville, devenant un symbole de la défense des libertés.
María Teresa LOZANO SAMPEDRO