La vie de Séraphine de Senlis est à l’image de son œuvre : riche, foisonnante et obscure. Elle naît dans un milieu rural du département de l’Oise. Orpheline à l’âge de 7 ans, elle est élevée par sa sœur aînée et rapidement abandonnée à son sort. Domestique au couvent de la Charité de la Providence à Clermont-de-l’Oise, elle s’immerge dans la vie religieuse et s’imprègne des images de piété qui l’entourent. Dès lors, tout au long de sa vie, elle vouera un culte à la Vierge. Femme de chambre au service de la bourgeoisie dans les environs de Senlis, elle commence à peindre des natures mortes de petit format, dans la plus profonde solitude ; elle confectionne elle-même ses couleurs à base de ripolin, et opère d’énigmatiques mélanges, dont personne ne percera le secret. En 1927, plusieurs de ses œuvres sont retenues pour l’exposition de la Société des amis des arts de la Ville de Senlis. Wilhelm Uhde, grand collectionneur, critique et marchand d’art, manifeste un profond intérêt pour sa peinture chargée de « confessions extatiques », et devient son mécène. Elle se met alors à peindre sur de très grands formats, qu’elle dispose au sol. Elle construit des représentations exubérantes aux motifs récurrents de fleurs, fruits, feuilles-plumes, feuille-œil, célébrant ainsi ses visions mystiques d’une nature luxuriante. Ses compositions, mues par le « génie du cœur et de l’intuition », incitent W. Uhde à rapprocher son travail d’autres peintres autodidactes, comme André Bauchant, Camille Bombois, Louis Vivin, qu’il nomme les « primitifs modernes », refusant le terme impropre de « naïf » ; il leur consacre en 1928 une exposition intitulée Peintres du cœur sacré. L’artiste accède ainsi à une certaine renommée ; les habitants de Senlis et certains musées nationaux et internationaux commencent à acquérir ses toiles. Sujette à de forts délires paranoïaques, la peintre, à l’apogée de son art, sombre dans la folie et dilapide tout son argent. Dès lors, internée à l’hôpital psychiatrique de Clermont-de-l’Oise en 1932, elle cesse tout activité artistique. En 1972, le musée de Senlis lui consacre une première exposition monographique.
Claire BICKERT
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions