Étudiante à Yale dans les années 1950, Sheila Hicks suit les cours d’un des maîtres du Bauhaus, Josef Albers, dont elle garde une rigueur dans le travail des matières, alliée à un sens aigu des couleurs. Ses rencontres avec l’artiste textile Anni Albers et le professeur d’histoire de l’art hispano-américain George Kubler éveillent son intérêt pour les arts textiles. Un voyage de 1957 à 1959 en Amérique du Sud lui fait découvrir les différentes techniques de tissage. De là naissent ses premiers ouvrages, réalisés grâce à un petit métier à tisser portatif qu’elle a elle-même créé. Variant à souhait les patrons et les matières, elle tisse des miniatures d’une incroyable richesse et profondeur, exposées en 2006 sous le titre Weaving as Metaphor. De retour à New York en 1959, elle soutient une thèse sur les tissus précolombiens, avant d’enseigner la couleur et le design à l’université de Mexico. Parallèlement, elle collabore avec les architectes Luis Barragán et Felix Candela, qui lui ouvrent les perspectives de la troisième dimension. Elle produit notamment Prayer Rug (1964), une sculpture murale de fibres réalisée avec un pistolet électrique, alliant savoir-faire traditionnels et techniques industrielles. Après avoir dirigé un séminaire sur les arts textiles à l’Académie de Bath, S. Hicks ouvre l’atelier des Grands-Augustins à Paris en 1964. Consultante pour des manufactures textiles en Inde puis au Maroc, elle cherche à donner une dimension plus sculpturale à ses créations (Sejjada, 1971). Dans les années 1980, elle crée des œuvres avec des tissus chargés d’histoire comme des draps d’hôpitaux ou des uniformes de soldats. Ainsi Back From the Front (1979) est une « colonne sans fin » formée par l’accumulation d’uniformes de soldats israéliens. À la fois libre et d’une grande rigueur conceptuelle, S. Hicks contribue à la révolution des arts textiles en tissant des liens entre art et artisanat. Depuis son atelier parisien, l’artiste poursuit son exploration des infinies possibilités structurelles des arts textiles avec sa série Papillon (1997) ou encore à travers la conception, en 2001, d’un rideau de théâtre pour le Kiryu Cultural Center de Gunma, au Japon.
Sonia RECASENS
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions