Diplômée de l’Académie des beaux-arts du Zhejiang en 1982, Shen Yuan appartient à la génération des avant-gardes les plus radicales des années 1980 et participe en 1989 à l’exposition séminale Chine/Avant-Garde à Pékin. À la suite de la répression de Tian’anmen, elle s’installe à Paris avec son mari, l’artiste Huang Yong Ping. En France, elle développe un langage artistique des plus singuliers, nourri de son expérience de femme non occidentale résidant en Occident. Dans un premier temps, elle a recours à des matériaux issus du corps et du quotidien, comme ses ongles coupés, de la fibre de chanvre, de la nourriture, des pantoufles ou encore du mobilier, qu’elle transforme en œuvres poétiques et déroutantes, souvent monumentales, traitant de questions touchant à la migration, à la mémoire et aux limites du langage : son installation Perdre sa salive (1994-2000) décrit remarquablement la violence des difficultés auxquelles est confrontée l’étrangère qui ne peut s’exprimer dans un nouveau langage. Parmi ses œuvres les plus marquantes figurent Un matin du monde (2000), une toiture de maison traditionnelle chinoise reconstruite à Berne, Paris et Londres, Bridge (2004), un pont infranchissable constitué de vases en céramique, Trampolin (2004-2009), une série de matelas brodés de plans de quartiers chinois des métropoles du monde. S. Yuan explore ainsi le destin de la femme artiste et immigrée à l’ère de la migration globale, tout en pointant les obstacles imposés par les différences culturelles qui entravent la véritable compréhension humaine. Les détournements opérés, de même que le sens métaphorique auxquels ils renvoient, sont un témoignage sociologique et politique d’une histoire collective. Son travail, reconnu internationalement, a donné lieu à plusieurs expositions personnelles à travers le monde, et a été présenté lors d’événements majeurs, dont la 52e Biennale de Venise en 2007.
Evelyne JOUANNO
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions