Fille de diplomate, Shirley Hazzard a travaillé pour les Nations unies pendant dix ans avant de devenir écrivaine à plein-temps. Ses voyages l’ont menée en Extrême-Orient, en Nouvelle-Zélande ainsi qu’en Italie où, en compagnie de son mari, l’écrivain Francis Steegmuller, elle fit la connaissance de Graham Greene ; leur amitié fit l’objet d’un récit dans
Greene on Capri : A Memoir (« Greene à Capri : Mémoires », 2000). Après avoir reçu le National Book Critics Award pour
Le Passage de Vénus en 1980, son dernier roman,
The Great Fire (« le grand feu », 2003), obtint plusieurs prix, dont le prestigieux Miles Franklin Award. S. Hazzard est aussi citoyenne américaine et partage son temps entre New York et Capri. Ses romans, nouvelles et essais portent toujours la marque de l’histoire, que ce soit la Seconde Guerre mondiale et Hiroshima dans le roman
The Great Fire ou bien l’incompétence coupable d’organisations internationales comme l’Onu à régler les conflits dans l’essai
People in Glass Houses (« les gens dans des maisons de verre », 1967). C’est sur cet arrière-plan historique que se jouent des histoires personnelles, la guerre étant fréquemment la trame qui tisse les textes : guerre générationnelle, guerre des sexes, guerre émotionnelle. Dans
Le Passage de Vénus, par exemple, l’amour est irrémédiablement placé sous le sceau du ratage et s’avère incapable de transcender les conflits. Ainsi, que ce soit dans un essai comme
Defeat of an Ideal : A Study of the Self-Destruction of the United Nations (1973), dans lequel elle condamne férocement les Nations unies, ou bien dans certaines nouvelles de
Cliffs of Fall (« falaises de l’automne », 1963), l’auteure représente un monde sous tension qui met à mal les valeurs humanistes et où le matérialisme et l’intérêt personnel prévalent. Cette conscience aiguë d’une crise des valeurs n’est d’ailleurs pas sans rappeler le grand écrivain australien Patrick White. Toutefois, les figures d’artistes qui apparaissent dans la nouvelle
Harold ou dans
Le Passage de Vénus offrent un contrepoint qui inscrit la poésie et l’art comme possibles sources de rédemption. Bien que n’étant pas le point central de l’œuvre, l’Australie se dessine très souvent en filigrane, comme dans
La Baie de midi (1970). Ce pays comme terre d’exploration est, de toute évidence, le lieu antipodique qui, à l’instar de la relation du sujet à l’autre, est dépeint comme irrémédiablement inaccessible.
Béatrice BIJON