Sur les trois générations d’artistes vidéo brésiliens que distingue le sémiologue Arlindo Machado (Made in Brasil : Três décadas do vídeo brasileiro, 2007), Sonia Andrade appartient à la première, celle des pionniers. Après avoir étudié auprès d’Anna Bella Geiger* au musée d’Art moderne de Rio de Janeiro, elle réalise en 1974 une série de huit performances vidéo, Sem titulos (« sans titre »), représentant des scènes d’auto-agression, dans la mouvance d’artistes européens tels que Marina Abramovic*. Toutefois, elle ne semble pas s’inscrire dans une idéologie féministe, Sem titulos traitant plus des rapports conflictuels et aliénants entre l’artiste et l’acte créateur. La même année, elle participe à Prospectiva 74 au musée d’Art moderne de São Paulo – première exposition publique d’art vidéo brésilien –, puis à la Biennale internationale qui a lieu dans la même ville en 1977. Outre les thématiques de la violence physique et mentale dans la création artistique, S. Andrade s’intéresse à la télévision : son fonctionnement consumériste, les idées qu’elle véhicule, l’espace qu’elle s’est créé au fil du temps en tant que dispositif, mais aussi la place qu’elle occupe dans notre société. En 1977, elle réalise Untitled (Feijao), consacré au récepteur du message télévisuel. Son utilisation du médium vidéo évolue vers la création d’installations, avec, notamment, It were but madness now to impart the skill of specular stone (2001) : s’inspirant du poème « Undertaking » de John Donne, l’œuvre est composée d’un sol recouvert d’améthystes brutes et d’une projection vidéo. Elle conçoit en 2010 l’installation Get with Child a Mandrake Root, incluant 25 moniteurs : chaque écran diffuse un détail filmé des racines d’un vieil arbre, illustrant de la sorte le mythe de la racine de mandragore, aux propriétés occultes et magiques, tel que J. Donne l’évoque dans son poème « Song ». Tout au long de son parcours artistique, S. Andrade a ainsi utilisé la vidéo comme support de création pour explorer les représentations visuelles d’états intérieurs relevant de l’intime et de l’ineffable.
Priscilla MARQUES
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions