Par la précocité et la continuité absolue de ses succès durant une décennie, son rayonnement, son esprit d’entreprise, la réussite de ses spectacles sur glace ainsi qu’au cinéma, Sonja Henie est l’une des figures les plus emblématiques de l’histoire du sport féminin. Elle a créé un nouveau patinage artistique, ouvrant la voie à ceux et celles qui s’engagèrent par la suite sur le même chemin sans atteindre ni sa notoriété ni son statut de vedette incontestée. Meilleure patineuse norvégienne avant ses 12 ans, c’est à Chamonix qu’elle apparaît en 1924 lors des premiers jeux Olympiques d’hiver, classée huitième et dernière du concours remporté par l’Autrichienne Herma Planck-Szabo, championne du monde de 1922 à 1926, mais ses pirouettes amusent et retiennent l’attention. Chez elle à Oslo en 1927 – soutenue par son père, Wilhelm, qui devient plus tard son imprésario –, elle s’affirme avec assurance comme la meilleure, détrônant H. Planck-Szabo. À Saint-Moritz en 1928, puis à Lake Placid où elle obtient l’unanimité des sept juges, elle devance notamment l’Autrichienne Fritzi Burger, championne du monde en 1926. Son charme et son pouvoir de séduction font oublier sa taille modeste (moins de 1,54 m). Son dur entraînement quotidien, discipline personnelle dont elle ne se départit pas, son intuition et son intelligence, sa poursuite constante de l’innovation, le soin apporté à son matériel et à son costume inscrivent au Panthéon la « fée de la glace ». Ce sont dix titres mondiaux qu’elle accumule consécutivement : son triomphe de 1930 à New York où, à 18 ans, elle semble déjà totalement maîtresse d’elle-même, prépare le terrain pour ce qui deviendra sa vie américaine, et cinq titres européens de 1931 à 1936. Nulle ne la devance jusqu’à sa troisième médaille d’or olympique à Garmisch-Partenkirchen en février 1936. Elle est l’étoile de ces quatrièmes jeux Olympiques d’hiver, où les quatre minutes de son programme libre la voient au sommet de son art. Le 16 mars 1936, elle passe officiellement professionnelle, mais en réalité elle n’avait cessé de parcourir l’Europe et les grandes capitales, multipliant les galas, moyennant des cachets dissimulés mais de plus en plus substantiels. Elle part alors pour les États-Unis, signe le contrat d’une première
Ice Fairy, enthousiasme le Madison Square Garden. Elle acquiert la nationalité américaine en 1941. Elle crée sa troupe, qui compte plus de 100 personnes, et le premier vrai spectacle itinérant de patinage artistique circulant de ville en ville et revenant en Europe après la Seconde Guerre mondiale. Parallèlement, elle fait une carrière cinématographique, l’un des 13 longs-métrages qu’elle tourne entre 1937 et 1958 ayant pour titre
One in a million. Elle ne déchausse les patins qu’en 1967, peu après un programme d’adieu d’un quart d’heure qui bouleverse le Rockefeller Center. Avec son troisième mari, Niels Onstad, ami d’enfance qui partageait son attrait pour les impressionnistes, elle a constitué une collection, base d’une Fondation d’art contemporain à Høvikodden, non loin d’Oslo.
Jean DURRY