Susan Travers est la première femme engagée dans la Légion étrangère. Fille d’un amiral britannique, elle connaît une jeunesse dorée en Angleterre puis en France, sur la côte d’Azur, où elle reçoit une éducation tant intellectuelle que sportive, qu’elle complète en Italie et en Europe centrale. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, elle décide aussitôt de s’engager dans la Croix-Rouge pour soigner les combattants et servir particulièrement comme ambulancière. C’est en 1940, lors de la campagne de Finlande contre les Russes, qu’elle effectue ses premiers secours. De retour à Londres, elle est orientée vers les services du général de Gaulle qui, justement, réclament des ambulancières. Alors intégrée dans le camp de la France libre, S. Travers ne le quittera plus. À bord du paquebot Westerland, en route pour l’Afrique du Nord, elle côtoie les légionnaires de la 13e demi-brigade de Légion étrangère (DBLE), nouvellement constituée, et décide de servir à leurs côtés en tant qu’ambulancière et conductrice de véhicule. Elle se retrouve ainsi mêlée aux combats en Érythrée (où la France libre se bat contre l’Italie), en Égypte, en Palestine et en Syrie (encore contrôlée par l’armée de Vichy). En juin 1941, elle devient le chauffeur attitré de Marie Pierre Kœnig, alors colonel, avec lequel elle a une aventure sentimentale en plein cœur de la guerre du désert. En juin 1942, à la bataille de Bir Hakeim, bravant l’interdiction faite aux femmes de se battre au front, elle contribue, avec les 3 700 soldats alliés, à briser l’encerclement de la cité libyenne pilonnée par les forces allemandes dirigées par Rommel. Elle accomplit même alors un exploit légendaire en traversant un champ de mines sous le feu de l’ennemi, à bord de la voiture de Kœnig. Pour cet acte de bravoure, S. Travers reçoit la Croix de guerre avec citation à l’ordre du corps d’armée. Mais l’épopée de « la Miss » ne s’arrête pas là. L’adjudant-chef Travers suit le corps expéditionnaire français dans sa campagne d’Italie, puis en France, de la Méditerranée jusqu’aux Vosges, au volant de son « gros camion ». En Alsace, elle est récompensée pour ses services par une citation à l’ordre de l’armée. La guerre terminée, officiellement intégrée à la Légion étrangère, elle devient la première femme autorisée à posséder un numéro de matricule, comme n’importe quel légionnaire homme. Elle poursuit sa carrière en Tunisie puis en Indochine. En 1956, elle reçoit la Médaille militaire et, en 1996, la Légion d’honneur. Après une longue période de silence, elle décide de raconter sa vie et, avec l’aide de la journaliste Wendy Holden, publie Tant que dure le jour en 2001. Cette héritière des grandes aventurières du XXe siècle a vécu une existence extraordinaire façonnée par son dévouement pour la France libre et son amour pour le général Kœnig, héros de Bir Hakeim.
Elisabeth LESIMPLE