De retour de New York où elle a fréquenté la Germain School of Photography, Sylvie Fleury a tenu à Genève, durant les années 1980, un lieu d’exposition alternatif qui fut le rendez-vous de l’avant-garde suisse. Mais elle est connue avant tout pour ses sculptures, installations, photographies et performances, qui, depuis 1990, mettent en avant des objets liés à l’industrie du luxe et à la consommation triomphante des deux dernières décennies du XXe siècle. Parmi ses œuvres les plus célèbres, on trouve les différentes versions des Shopping Bags : l’artiste dispose à même le sol de la salle d’exposition les sacs qui lui ont servi à emporter des articles achetés auprès des grandes marques de mode, estampillés à leur nom. Elle réalise ainsi ce que la critique appelle le « détournement », pratique critique venant des ready-made de Marcel Duchamp (ainsi Fontaine, Paris, 1917) puis du pop art. Comme ceux de ses prédécesseurs, ses détournements sont ambigus. Ses œuvres visent-elles à la dénonciation ou, au contraire, à l’éloge ? Dans ses voitures de luxe repeintes aux couleurs de vernis à ongles (Skin Crime, 1997, dont il existe plusieurs réalisations et dont le sous-titre, Givenchy 601, se réfère à une marque de maquillage), faut-il voir une accusation de la domination masculine ? L’artiste récuse pourtant toute position féministe et possède elle-même plusieurs voitures de sport. Aussi, quand elle expose des sculptures en forme de tubes géants de rouge à lèvres ou des photographies de chaussures à la mode, elle montre avant tout à quel point ces objets suscitent le désir et le fétichisme. Ses œuvres – qui exercent un pouvoir de séduction revendiqué – attirent autant pour leur aspect kitsch, non dépourvu d’humour (ainsi la série First Spaceship on Venus [« premier vaisseau spatial sur Vénus »], 1996-1999, sortes de gigantesques phallus prêts pour la conquête spatiale), que pour leur fini similaire à des objets de design (la série Mushrooms [« champignons »], 2006). L’artiste réunit ainsi l’art, la mode et le design. Elle dénonce moins la consommation qu’elle ne s’amuse de la dérive glamour de l’art contemporain. Le musée d’Art moderne et contemporain (Mamco) de Genève lui a consacré une exposition rétrospective en 2008-2009.
Anne MALHERBE