Issue d’un milieu cultivé, Tania Mouraud marque vite son indépendance. Elle achève ses études à la Saint Martin’s School de Solihull et, à 17 ans, reste à Londres comme jeune fille au pair. Elle séjourne ensuite en Allemagne, à Düsseldorf, où elle vit de divers emplois, notamment à l’usine. Elle entre alors en contact avec le milieu de l’art contemporain et assiste aux performances de Joseph Beuys. En 1963 commence sa production artistique régulière, marquée par des performances à connotations sociales et politiques et, surtout, par ses premières toiles. Elle ressent cependant le besoin d’une troisième dimension. En 1969, dans un autodafé-performance, elle brûle toute sa peinture. Elle amorce alors un virage radicalement minimaliste, confirmé par les environnements dits « chambres de méditation », dont le premier exemple, One More Night (musée d’Art moderne, Paris, 1969-1970), propose, selon l’artiste, une « expérience psychosensorielle de l’espace », avec une ambiance sonore électroacoustique. Ces espaces, de conception minimaliste, peuvent être interprétés a posteriori comme des sas de transition entre le monde passé et le temps présent : celui de l’expérience. Ils sont dédiés à une forme de rite de passage, comme si l’artiste y méditait l’orientation de son œuvre. Ce sont aussi des espaces de « déconditionnement », visée importante de son œuvre. L’artiste interroge la perception et la communication, en particulier dans son rapport au non-dit : non-dit de l’histoire de l’art, par exemple, quand il s’agit de rappeler la mémoire de ces « oubliées », artistes femmes de l’avant-garde russe, dont les noms viennent scander ceux des illustres hommes inscrits, eux, dans la pierre de l’architecture. En 2006, elle présente une installation vidéo conçue à partir des films de cent travailleurs de Kerala en Inde, actionnant des métiers à tisser ou des rouets. Son engagement politique relie ainsi sa pratique artistique à la réalité du monde auquel il s’agit de se confronter avec responsabilité.
Raphaël CUIR
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions