De langue ourdou, mariée à 17 ans, Tehmina Durrani a épousé en deuxièmes noces Ghulam Mustafa Khar, qui deviendra chef du gouvernement de l’État du Pendjab. De cette expérience conjugale, elle a tiré un roman intitulé
Mon seigneur et maître (1994) qui raconte la vie aux côtés d’un mari dominateur, sadique et possessif, animé de réflexes patriarcaux et autocratiques, prompt à utiliser la violence dans le cadre privé comme dans la vie politique. Le récit des visites qu’elle effectuait à son époux emprisonné, qui cultivait son propre jardin et consommait les œufs d’un poulailler installé au sein même de l’établissement pénitencier, est empreint d’ironie. Les violences physiques qu’il exerçait alors sur elle, les coups de canne qu’il lui administrait en guise de punition pour désobéissance, racontés avec force détails par une femme sensible et cultivée, laissent pantois. Ce livre autobiographique a déclenché dès sa parution une vive controverse dans la société pakistanaise. Il a en revanche reçu le soutien admiratif de nombreuses femmes qui ont vu en T. Durrani la porte-parole de la cause féminine. Quelque temps censuré au Pakistan, mais traduit en plusieurs langues, il s’est rapidement hissé au rang de best-seller international. L’écrivaine a écrit par la suite deux autres ouvrages, dont
Abdul Sattar Edhi, an Autobiography : A Mirror to the Blind (« un miroir pour les aveugles », 1998), qui décrit le parcours et le travail du philanthrope Abdul Sattar Edhi et de son épouse
Bilquis Edhi*. Il faut également mentionner
Blasphemy (« blasphème », 1998). Inspiré de faits survenus dans le sud du Pakistan, ce roman raconte la descente aux enfers d’une jeune mariée. L’auteure dit avoir recueilli les confessions spontanées d’une jeune femme confrontée aux débauches de son époux
pir (« saint homme »), représentant une catégorie cléricale étroitement associée aux intérêts de l’aristocratie féodale. T. Durrani milite depuis 2005 dans une ONG, Smile Again Pakistan, qui défend les femmes victimes de violences et d’injustices masculines.
Roshan GILL