Originaire de Hung Yên, Tuong Phô était issue d’une famille de lettrés et bénéficia d’une éducation moderne. Elle inaugura son œuvre en 1923 par un recueil de poèmes (mélange de poésie et de prose rythmée) intitulé
Giot lê thu (« larmes d’automne »). Publié en 1928 dans la revue
Nam phong (« vent du sud »), il évoque l’absence de l’être aimé, décédé en 1920, et l’omniprésence de la saison d’automne, témoin immuable de ses sentiments tour à tour heureux (« L’automne me rappelle notre bel hyménée ») et mélancoliques comme dans le poème
Khuc thu hân (« tristesse d’automne »). Ce recueil la rendit populaire auprès des lecteurs et, sur sa lancée, elle multiplia publications de poèmes et de nouvelles en prose rythmée. Dans
Môt giâc mông (« rêverie »), elle emprunte la voix de Nam Trân, une des héroïnes de l’histoire, pour suggérer sa conception confucéenne de la femme et critiquer ainsi le comportement des jeunes filles de la nouvelle génération, insouciantes de leurs devoirs familiaux. En réalité, l’auteure était aux prises avec une contradiction : d’une part, elle blâmait les jeunes femmes « trop modernes » à son goût ; d’autre part, elle s’adonnait à la nouvelle poésie, mélange de prose et de vers où elle dévoilait aux yeux de tous, son moi intime. Tout en puisant ses images dans les motifs de la poésie classique, elle parvenait à réjouir la jeune intelligentsia de l’époque par une écriture originale : enchantement de courte durée, dissipé par une évolution politico-sociale et littéraire, plus adaptée aux aspirations de la jeunesse, avide d’innovation et de changement. Celle-ci se mit néanmoins à lire et relire de temps à autre son œuvre, appréciant la mélodie et la beauté des vers pour échapper à une certaine désillusion de la vie. Aujourd’hui, lorsqu’on évoque le courant romantique dans la littérature vietnamienne, on cite volontiers le nom de la poétesse et son recueil de poèmes
Giot lê thu.
Paulette PHAN THANH THUY