Formée à l’école des beaux-arts de Bourges, Valérie Belin est influencée par l’art minimal américain étudié en philosophie de l’art à la Sorbonne, dont elle sort diplômée en 1988. Travaillant d’abord sur la lumière, elle invente en 1993 un protocole photographique précis. Ses séries de grands formats, essentiellement en noir et blanc, présentent dans le même axe, frontal, et le même cadre, neutre, les objets d’une thématique : ainsi décontextualisés et désindividualisés, êtres et objets apparaissent comme des sortes de spécimens, entre spectre lumineux et matière tangible, expressivité et retrait, réalité et virtualité, sous l’œil impassible d’une démarche qui tend vers l’abstraction. Elle s’attache d’abord à des objets en Cristal (1993) puis d’Argenterie (1994). Ses Robes vénitiennes (1996) étendues dans des écrins-cercueils forment des figures d’une matérialité picturale dont la planéité suggère l’absence des corps qui devraient en être vêtus : le somptueux y renvoie froidement au vide. Cette dialectique formelle touche, à partir de 1999, au corps humain avec ses séries sur fond blanc de Bodybuilders, Transsexuels, Mannequins et sosies, Mariées marocaines en costumes traditionnels. Aucun affect ne ressort de ces individus, devenus sujets ou objets d’une transformation physique : la charge expressionniste, à l’impact encore renforcé par la monumentalité des grands formats, est retenue, contenue à l’intérieur du cadre par le traitement noir et blanc très contrasté ainsi que par la sériation de la pose et du cadre qui désindividualise et réifie les formes. La même tension résidait dans les séries des voitures accidentées et des carcasses de viande, en 1998. D’autres ensembles s’attachent à des visages, en couleur depuis 2006, de Modèles très pâles sur fond blanc, de Femmes noires, de Métisses, qui rejoignent Robots, paquets de Chips, Chiens et Moteurs, dans la même démarche, systématique. L’œuvre de distanciation de l’artiste interroge ainsi aussi bien l’identité profonde que des thématiques sociales comme le stéréotype, la race, l’industrie, la beauté, dans une recherche à la fois esthétique et politique. Depuis 1994, elle expose régulièrement en France et en Europe. Une rétrospective de son œuvre a circulé dans les musées d’Amsterdam, de Paris et de Lausanne en 2007-2008.
Anne-Cécile GUILBARD
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions