Abandonnée par son père, Violette Leduc est élevée par sa mère dans la détestation des hommes. À 14 ans, elle vit le remariage de celle-ci comme une trahison. Toute sa vie, elle sera tiraillée entre le besoin de se vouer à autrui et la hantise de l’aliénation. Ses amours féminines (Denise Hertgès, dite Hermine, Simone de Beauvoir*) ou masculines (Maurice Sachs, Jean Genet, Jacques Guérin, tous homosexuels) « brûle[nt] dans le brasier de l’impossible ». Quand, déçue par sa mère, elle rêve son père inconnu, elle se prend de passion pour les livres. D’abord rédactrice dans une maison d’édition, elle publie nouvelles et reportages dans des journaux féminins avant d’écrire son Asphyxie (1946). La suite de son œuvre, à l’exception du Taxi (1971) et de deux nouvelles, sera à la première personne. Écorchée, c’est avec acuité qu’elle évoque émois et déchirures, sensualités et deuils intimes, amours de pensionnat et misères du quotidien : « Mon mal, tout ce que j’ai » (La Chasse à l’amour, 1973). Son univers n’excède guère le cercle géographique et affectif du familier. Nul engagement chez elle que celui du corps à corps, du verbe à verbe, de Ravages (1955) en Trésors à prendre (1960). Reconnue par ses contemporains, elle ne rencontre le succès public qu’avec La Bâtarde (1964), que préface S. de Beauvoir. Elle continue à vivre dans la hantise d’être oubliée. Elle qui a « savonné, lessivé, rincé à grande eau [s]es adjectifs et [s]es comparaisons » (La Chasse à l’amour), ne supporte pas de voir le début de Ravages censuré par son éditeur (les amours de Thérèse et Isabelle paraîtront d’abord en édition de luxe), ou certains de ses livres perdus « sans avoir connu l’amour ». « Désert qui monologue » (préface de La Bâtarde), V. Leduc exauce révoltes, angoisses, passions, dans la prose lyrique et sans mièvrerie qu’elle fait flamboyer.
Catherine BRUN