Née dans une riche famille algérienne imprégnée de culture française, Wassyla Tamzali poursuit des études de droit et exerce de 1966 à 1977 comme avocate à la Cour d’Alger. Son activité journalistique – rédactrice en chef de Contact, premier hebdomadaire maghrébin libre (1970-1973) – la conduit à s’intéresser aussi bien au cinéma qu’aux parures des femmes berbères. La rencontre à Alger, en 1976, à l’occasion de la Foire du livre, de femmes des éditions des femmes-Antoinette Fouque* et du MLF* français l’amène à s’interroger sur la situation des femmes algériennes et à centrer son action sur la défense de leurs droits. Entrée à l’Unesco en 1979, elle dénonce les violences faites aux femmes partout dans le monde et notamment dans les pays islamiques : asservissement social et juridique, prostitution, persécution et exploitation sexuelles. Vivant en Algérie, elle rejoint en 1989 le Front des forces socialistes fondé par Hocine Aït Ahmed – seul parti luttant pour la démocratie et la laïcité, qui, aux élections de mai 2012, obtient 21 députés, dont 7 femmes. Cofondatrice du collectif Maghreb-Égalité (1992), W. Tamzali en devient en 2006 la directrice exécutive. Elle est aussi membre du comité d’organisation du 10e Congrès mondial des études féministes sur les migrations (2005). Les mouvements populaires insurrectionnels qui, sous l’appellation de « Printemps arabe », secouent le Maghreb et différents pays arabes à partir de décembre 2010 donnent un nouvel élan à son combat féministe pour la laïcité. Vigoureusement opposée au port du voile et de la burqa, et à toutes dispositions ou règlements juridiques ou politiques qui entretiennent le statut d’infériorité de la femme, elle débusque, avec lucidité, la complicité existant entre politique et religion. Face aux islamistes, communautaristes ou nationalistes se réclamant fanatiquement de traditions et de références religieuses ou historiques, dénonçant les impostures « occidentales » qui excipent d’un respect des coutumes et de la « diversité », elle affirme sa confiance en une pensée féministe, pensée politique seule « capable de renouveler l’analyse des dispositifs des pouvoirs autoritaires et leurs alliances, secrètes ou avouées, avec l’idéologie radicale religieuse ».
Roger DADOUN