Après une formation à Joshi-eigaku-juku, une des institutions supérieures phares d’avant-guerre, Yamakawa Kikue s’est intéressée aux problèmes des femmes et a commencé ses activités critiques dès le milieu des années 1910. C’est l’époque où elle rencontre Yamakawa Hitoshi, Osugi Sakae, Arahata Kanson et où, sous leur influence, elle devient socialiste. Elle introduit la pensée socialiste occidentale en traduisant August Bebel. Elle a débuté sa carrière en prenant parti pour l’abolition de la prostitution et a débattu là-dessus contre Itō Noe dans la revue Seito*. En 1918, elle a participé à la polémique lancée autour de la protection de la maternité et a tenté d’historiciser, du point de vue marxiste, la position de Yosano Akiko*, qui affirme la nécessité de l’indépendance économique des femmes, et celle de Hiratsuka Raichō*, qui réclame la protection de la maternité par l’État. Dans les années 1920 où la poussée de la démocratie rendait plus actif – le mouvement socialiste, Yamakawa Kikue s’est lancée dans des activités de terrain pour se rapprocher du féminisme social. En 1921, elle a contribué à la naissance du premier groupe de femmes socialistes, Sekirankai (la Société des vagues rouges). Elle incite également l’Union des travailleurs prolétaires à inclure dans ses buts « les revendications propres aux femmes ». Lors de la fondation du Centre national de la gauche (le comité de l’Union des travailleurs), elle revendique la création au sein des organisations d’une section consacrée aux femmes travailleuses. Dans les années 1930, la censure limite ses critiques envers l’armée et le fascisme. Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, son entrée au ministère du Travail lui permet de se consacrer à l’égalité des sexes et à la parité. Pendant la guerre, alors que la situation politique l’avait éloignée de l’écriture d’actualité, Yamakawa Kikue s’est intéressée à l’ethnologie et à l’histoire régionale. C’est ainsi qu’elle a rédigé Buke no josei (« la femme des seigneurs », 1943) et Waga sumu mura (« mon village », 1943). Vers la fin de sa vie, elle publie un récit historique basé sur des archives et des témoignages, Oboegaki bakumatsu no Mito han (« les mémoriaux du domaine de Mito à la fin de l’ère Edo », 1974). Onna nidai no ki, watashi no han jijoden (« deux générations de femmes, ma vie », 1956), remarquable par son aspect autobiographique, relate en parallèle deux destins féminins, celui de sa mère, Chiyo, qui, issue de la noblesse, a reçu la meilleure éducation de l’époque Meiji, et le sien propre : élevée dans une famille libérale, elle s’est formée en tant que socialiste refusant l’idéologie de la « bonne femme, bonne mère » que l’éducation de l’époque imposait comme idéal.
MIZUTAMARI MAYUMI