Élève, à 12 ans, de l’acteur de
huangmeixi Yan Yungao, Yan Fengying monte sur scène pour la première fois en 1946 et connaît la gloire avec une pièce sur l’adultère,
Xiao ci dian (« les adieux à l’échoppe »). Enlevée brutalement par un chef de la milice locale qui la désire comme concubine, elle feint la folie et s’enfuit à Nankin où elle côtoie des acteurs d’opéra de Pékin et de Kunqu. Lorsqu’elle retourne dans sa province en 1951, on lui interdit le port du « costume Lénine » pour avoir eu un enfant naturel. En guise de réponse, elle porte le « qipao », une robe fendue, symbole de la vieille société. Mariée en 1956 au réalisateur Wang Guanya, elle diffuse l’opéra de l’Anhui dans toute la Chine. Opéra constitué sur la base musicale des chants des cueilleurs de thé, le
huangmeixi n’est fait, avant 1911, que de piécettes narrant la vie paysanne. Sa gestuelle – ponctuée par des percussions – n’est pas codifiée et permet un jeu réaliste, peu courant dans le théâtre chinois traditionnel. De 1911 à 1949, il se professionnalise, passant de la terre battue des villages aux plateaux des villes, avant de devenir un art très prisé. Yan Fengying invente un chant pour chaque personnage incarné, recourt à des techniques de l’opéra de Pékin, mais conserve le dialecte de sa région. Pour un même personnage, elle utilise des conventions de jeu propres aux rôles masculins et aux rôles féminins. Elle réussit à changer les habitudes du public, qui se met à préférer écouter les grands rôles de femmes plutôt que les rôles masculins. Ses plus grands succès, portés à l’écran en 1955, 1959 et 1963, sont :
Tianxianpei (« les amours d’un mortel et d’une immortelle ») ;
Nü fuma (« une femme gendre de l’empereur »), de Wang Zhaoqian, et
Niulang zhinü (« le bouvier et la tisserande »), célèbre histoire de la mythologie chinoise. Accusée, pendant la Révolution culturelle, d’être une « jolie démone qui répand féodalisme, capitalisme et révisionnisme», elle se suicide le 8 avril 1968. On dit qu’un représentant de l’armée lui aurait fait ouvrir le ventre, espérant y trouver des preuves de sa prétendue activité d’espionne à la solde du Parti nationaliste. Elle est réhabilitée en 1978.
Pascale WEI-GUINOT