Issue d’une famille d’intellectuels, Yang Jiang effectue successivement sa scolarité à Pékin, Shanghai et Suzhou. Licenciée ès lettres de l’université de Dongwu en 1933, elle entre à l’université Qinghua, où elle mène des études de littérature étrangère. Mariée en 1935 avec Qian Zhongshu, grand savant et écrivain, auteur de
Wei cheng (« la forteresse assiégée », 1947), elle part avec son mari en Grande-Bretagne, la même année ; ils y poursuivent leurs études à l’université d’Oxford puis en France (1935-1938). De retour en Chine en 1938, elle devient professeure de lycée avant d’enseigner les langues étrangères à l’université Zhendan de Shanghai (1946-1949), puis à l’université Qinghua. Elle est élue membre de l’Institut des langues étrangères de l’Académie chinoise des sciences sociales en 1952. L’écrivaine publie son premier récit,
Lulu, bu yong chou (« Lulu,
ne te fais pas de souci »), en 1935. Elle écrit ensuite deux comédies au début des années 1940,
Chenxin ru yi (« de tout son cœur », 1942) et
Nong zhen cheng jia (« tourner le vrai en faux », 1944). Dans un style simple et légèrement ironique, ces deux pièces peignent avec vivacité les mœurs de l’époque et les profondeurs du cœur humain ; représentées à Shanghai, elles éveillent un grand écho dans la ville, occupée par l’armée japonaise, et apportent à son auteure une prompte célébrité. En 1945, elle fait paraître une tragédie,
Feng xu (« chatons de saules en plein vent »), dans laquelle elle livre des réflexions pessimistes sur la vie et l’amour : les personnages éprouvent la fragilité de l’idéal face à la rude réalité et la futilité de la vie, et leurs illusions se dissipent comme des chatons de saules qui s’éparpillent dans le vent. À cette période, elle compose divers récits qui seront collectés dans ses recueils :
Daoying ji (« le recueil des reflets », 1982) et
Jiang yin cha (« le thé prêt à être servi », 1987). Après la Révolution culturelle, sa création entre dans une nouvelle ère avec la parution des
Six récits de l’école des cadres (1981),
de
Jiang yin cha et du roman
Le Bain (1988). Ce dernier
constitue un roman-document sur les débuts du communisme maoïste, qui sont consacrés par ce rite initiatique qu’est le lavage de cerveau. Premier ouvrage à aborder ce sujet, il suscite un immense retentissement dans le milieu littéraire. Sur un ton simple et tranquille, la romancière évoque avec drôlerie les mauvais traitements, les vexations et les tracasseries journalières infligés aux intellectuels. Critique sans âpreté et sans rancune, son roman manifeste une grande sérénité vis-à-vis de cette expérience. Également traductrice et critique littéraire, Yang Jiang a rédigé des ouvrages sur plusieurs œuvres de littérature anglaise et espagnole. En 1979, elle a publié un recueil d’essais littéraires,
Chun ni ji (« la terre du printemps »), suivi, en 1992, de
Mémoires décousus, un livre qui rassemble pêle-mêle ses souvenirs d’amitié et de famille, ses préfaces et ses discours de conférences
; elle a fait paraître en 2003 ses mémoires,
Women san (« nous trois »),
en hommage à sa fille (disparue en 1997) et à son mari (mort en 1998).
WANG SIYANG