Yang Mo débute sa carrière littéraire en 1934 par des essais et des récits évoquant la guerre de résistance contre le Japon. Membre du Parti communiste chinois depuis 1936, elle est nommée rédactrice de plusieurs journaux communistes et se consacre dès lors à la propagande. Son œuvre majeure,
Qingchun zhi ge (« le chant de la jeunesse », 1958), a pour sujet les différentes attitudes des jeunes intellectuels vis-à-vis du mouvement révolutionnaire des années 1930. Dans ce roman, l’écrivaine déploie son habileté à mêler l’évolution physique et intellectuelle des personnages, et à relier leurs sentiments personnels à l’esprit collectif des entreprises. L’héroïne est une jeune femme qui, stimulée par le mouvement du 4 mai 1919 (prônant la convergence de la science et de la démocratie), rompt avec son fiancé bourgeois et conservateur pour se lancer dans la révolution ; sa beauté fait couler beaucoup d’encre, mais n’est vraisemblablement qu’un prétexte pour susciter un sentiment d’admiration à l’égard des pionnières contestataires. Ce nouveau modèle de « la révolution et de l’amour » provoque un grand retentissement chez les lecteurs. Comme l’intrigue amoureuse se déroule sous le couvert de l’éloge de la révolution et de la rééducation des intellectuels, le roman est aussi légitimé par l’idéologie officielle. Pourtant, malgré l’accueil enthousiaste du public et la haute appréciation des gens de lettres, il subit plus tard de farouches attaques en raison de l’origine bourgeoise de ses protagonistes. À la fin des années 1950 (période de forte politisation de la littérature), l’auteure ne peut que se résigner à retoucher son roman. Cet incident, appelé par la suite « l’affaire de la modification de
Qingchun zhi ge », renvoie au fait qu’une énorme pression politique entraîne souvent le refoulement de la personnalité artistique de l’écrivain, pouvant aller jusqu’à un autodénigrement destructeur.
SUN TINGTING