Les deux sœurs sont issues d’une famille de mandarins lettrés. Leur père, Ye Shaoyuan, vice-ministre de la Construction, renonce à sa carrière et vit en ermite auprès de sa famille ; après l’invasion mandchoue, il se réfugie dans le bouddhisme. Ses textes en prose et ses journaux ont largement contribué aux études historiques de la Chine. Leur mère, Shen Yixiu, est aussi une écrivaine de talent. Versée dans la musique, Ye Xiaowan, poétesse et auteure dramatique, crée une pièce de zaju (théâtre chanté), Yuanyang meng (« rêve des canards mandarins », 1636) : trois suivantes de Xi Wangmu, encore attachées au monde terrestre, sont expulsées du palais de la déesse et deviennent des hommes de lettres brillants. À la suite de la mort subite de deux d’entre elles, la troisième réalise l’inconstance de la vie ici-bas et se convertit au taoïsme. La pièce s’achève par les retrouvailles des trois héroïnes qui rejoignent la déesse. Ye Xiaoluan, la sœur cadette, compose ses premiers vers à 12 ans. Après sa mort précoce survenue avant son mariage, sa mère dédie un ouvrage à sa mémoire, Ji nü Qiongzhang zhuan (« biographie de ma troisième fille Qiongzhang », vers 1632), où elle rend hommage à la beauté, à la vertu et aux dons artistiques de sa fille ; celle-ci a laissé un recueil de poèmes, Shuxiangge yiji (« recueil posthume du pavillon Shuxiang »), à l’écriture exquise et captivante, qui égale celles de sa mère et de sa sœur. Ye Shaoyuan a réuni les vers de sa femme et de ses filles dans un recueil intitulé Wumengtang quanji (« œuvres complètes de la maison du rêve à midi »), édité en 1916, où transparaît le génie poétique de cette famille.
LUO TIAN