Diplômée de l’université Kyunghee de Séoul, Yi Hyegyông enseigne au lycée avant de débuter en littérature, en 1982, avec Uridûrûi ttôlk’yô (« notre cicatrice »). Cette longue nouvelle, qui raconte déjà un conflit familial suivi d’une réconciliation, avec, au centre, un père incompétent, restera son œuvre représentative. Devenue journaliste, elle n’écrira Kil wiûi chip (« une maison sur la route ») qu’en 1995. Elle y peint vingt années d’une famille au bord de la rupture : le père, réfugié du Nord, travaille très dur et écrase les siens sous son autoritarisme, en particulier sa femme, schizophrène. En 1998, le recueil de nouvelles Kû chip’ap’(« devant cette maison ») étudie en profondeur diverses versions des relations familiales dans la société moderne, toutes dictées par un père démissionnaire. Parmi ses œuvres, d’une écriture très particulière, lente, attentive et simple, on trouve des fictions courtes et des nouvelles comme Kkotgûnûl arae (« dans l’ombre des fleurs », 2002) et Tûmsae (« fissures », 2006), marquées par un net élargissement du spectre social envisagé. La plupart décrivent la solitude, ou des familles au bord de la séparation. En toile de fond, l’image d’un père incompétent ou blessant. La romancière sait parfaitement que les pères sont, à leur façon, victimes de la désintégration sociale mais, du moment qu’il s’agit de reconstruire une identité féminine et, éventuellement, un nouveau couple ou une nouvelle famille nucléaire, la dimension paternelle est trop chargée d’affects et de répression potentielle pour être prise en compte. Indulgente, sympathisante avec les faiblesses des uns et des autres, Yi Hyegyông n’abandonne jamais son acharnement à comprendre, qu’elle adresse néanmoins avant tout aux femmes. Auteure féministe et personnelle, elle se refuse formellement à écrire sur ce qu’elle n’a pas expérimenté elle-même. Elle a reçu le prix Auteur d’aujourd’hui (1995) et celui de littérature contemporaine (2001), et s’est vu récemment attribuer le Dongin.
Patrick MAURUS